12 Mai

Le coin des rééditions : Les Enragés, Jeremiah, Chiens de prairie…

Au rythme effréné des parutions, il est parfois bon de s’arrêter, de passer la marche arrière et de se replonger dans quelques séries ou one-shots qui ont marqué nos jeunes ou moins jeunes années. Les Enragés, Jeremiah, Chiens de prairie… sont de ceux-là.

Honneur à la plus ancienne des trois, la série Jeremiah imaginée par l’auteur belge Hermann. Quarante-six ans d’âge, quarante-et-un albums et un univers singulier qui nous embarque dans un futur post-atomique à la Mad Max, crépusculaire et violent à souhait. « J’avais lu Ravage de Barjavel », confiait un jour Hermann, « un excellent bouquin dont l’action se situe après une guerre atomique… La Terre est ravagée et toute la sauvagerie de l’homme se donne alors libre cours ». En quelques mots, l’auteur résumait à merveille ce qui attendait les deux protagonistes, Jeremiah et Kurdy, et bien évidemment les lecteurs. Ce neuvième volume de l’intégrale couleurs sorti en mars réunit les tomes 33 à 36 parus entre 2014 et 2018, quatre récits qui portent encore la griffe d’un grand Hermann. (Jeremiah Intégrale, tome 9, de Hermann. Dupuis. 42€)

Plus récente mais tout de même lancée il y a trente ans, autant dire au siècle précédent, la série Les Enragés nous embarque de l’autre côté de l’Atlantique pour une petite virée au pays des cinglés :« C’est bien simple, ici on ne peut pas faire trois pas sans tomber sur un camé, un maquereau ou un taulard en cavale », dixit un chauffeur de taxi qui connait bien sa ville. Mais peu importe, Hamlet, qui se trouve justement à l’arrière du taxi, est là pour « encaisser des impayés ». Ancien agent du gouvernement reconverti en tueur à gage, Hamlet va accepter le contrat de trop, laisser derrière lui un témoin et se retrouver avec pas mal de monde aux fesses et deux gamins dans les pattes. Les Enragés avait été un choc graphique et scénaristique dans les années 90, il n’a en rien perdu de sa force même si la couverture de l’intégrale, qui réunit les cinq albums de la série, pourra en laisser certains dubitatifs. (Les Enragés, intégrale, de Chauvel, Le Sac, Legris et Simon. Delcourt.  45,50€)

Avec deux noms pareils aux commandes, on pouvait logiquement s’attendre au meilleur. Et ce fut le cas, Berthet au dessin et Foerster au scénario livraient il y a presque trente ans maintenant un western reprenant les codes habituels du genre – quelques noms légendaires aussi – tout en explorant une voie plus originale, portée par des personnages à la psychologie fouillée et par une intrigue pleine de furie et d’humanité. Chiens de prairie est l’histoire d’une chevauchée qui n’a rien de fantastique, tout du tragique avec, dans le rôle du pourchassé, J.B. Bone, un brigand des grands chemins, et dans celui des poursuivants, une meute de chasseurs de prime. Et au milieu de tout ça, le cadavre d’un ami que J.B. Bone s’est juré d’enterrer au côté de sa bien-aimée, et un gamin, sourd et muet, récupéré sur la route, avec qui il finira par nouer une belle relation. Quant au dessin ? Une merveille ! (Chiens de prairie, de Berthet et Foerster. Anspach. 16,50€ – en librairie le 23 mai)

Eric Guillaud

07 Mai

Miles Davis et la quête du son de Dave Chisholm ou comment révolutionner le jazz à tout prix

Au dos de ce bel ouvrage, on retrouve en exergue cette citation de Miles Davis lui-même : « Je vois des couleurs et des choses quand je joue ». Un bon résumé de ce qui fait la force de cette biographie documentée et sérieuse, mais assez convenue, de l’un des plus grands trompettistes de l’histoire du jazz et pionnier infatigable.

Dans l’absolu, Miles Davis Et La Quête Du Son suit les rails balisés d’une biographie classique, en prenant comme point de départ la paralysie partielle dont le musicien a été victime en 1982 suite à un infarctus qui l’a poussé à se tourner vers le dessin pour rééduquer sa main droite. À partir de ce moment clef où, après des années de succès mais également d’abus en tous genres, Davis a failli perdre l’usage de l’une de ses mains et donc voir sa carrière se terminer, on suit chronologiquement l’histoire de cet enfant élevé en Arkansas par des parents aimants arrivant à dix-huit ans à New York en 1944 pour s‘inscrire à la prestigieuse école Julliard pour étudier la musique. 

L’introduction étant signée par Erin Davis, le dernier de ses fils qui gère désormais son héritage et son image, on sait d’entrée que le ton restera révérencieux. Sa part d’ombre n’est pas pourtant totalement occultée, notamment ses relations conflictuelles avec les nombreuses femmes de sa vie ou sa nature obsessionnelle. Mais c’est justement cette obsession à trouver ce qu’il nomme LE son qui reste au centre du récit, cette façon qu’il avait invariablement de se réinventer tous les trois ou quatre ans, quitte à laisser sur le bas-côté ses fidèles collaborateurs ou ses fans.

C’est dans ces moments-là que ce roman graphique, revendiqué tel quel, prend toute son ampleur, dans ses pleines pages où le corps même du trompettiste prend toute la place et s’étire au milieu parfois de couleurs explosives, Dave Chisholm réussissant alors à retranscrire toute la flamboyance et la volatilité de ce génie tyrannique.

Après, en tant que trompettiste lui-même, déjà auteur d’une bande dessinée sur l’idole de Davis Charlie ‘Bird’ Parker, celui qui cumule ici les rôles de dessinateur, scénariste et coloriste se laisse parfois trop emporter par son sujet. Donc autant cette litanie de featuring prestigieux (Dizzy Gillespie, Bird, Duke Ellington, John Coltrane etc.) et de précisions techniques sur la grammaire musicale ravira les fans les plus lettrés, autant elle risque de rebuter les auditeurs occasionnels venus peut-être chercher un propos plus accessible et pédagogue.

Olivier Badin

 Miles Davis et la quête du son, de Dave Chisholm. 23€. Glénat

03 Mai

Electric Miles : un voyage psychédélique dans l’univers du pulp signé Brüno et Fabien Nury

Né de la passion commune du dessinateur Brüno et du scénariste Fabien Nury pour la science-fiction rétro et l’esthétique pulp, « Electric Miles » nous plonge dans l’Amérique des années 50, le temps d’un récit aussi sombre qu’intrigant. Rencontre…

© F3 Pays de la Loire / Eric Guillaud

Nous l’avions rencontré en 2015, il y a tout juste dix ans. À l’époque, Brüno venait de publier le deuxième volet de ce qui allait devenir la trilogie Tyler Cross. Une œuvre marquante, saluée par la critique et par le public, aujourd’hui en passe d’être adaptée en dessin animé pour Canal+.

Cette fois, nous le retrouvons dans son atelier nantais à l’occasion de la sortie du premier volet d’un nouveau projet baptisé Electric Miles. Entre les deux, plusieurs points communs, à commencer par la présence à ses côtés du scénariste Fabien Nury, le choix des États-Unis comme terrain de jeu et une atmosphère de thriller à couper au couteau.

La suite ici