24 Juin

The Nice House by the Sea : la fin du monde selon James Tyrion IV et Álvaro Martinez Bueno

Et si la fin du monde n’était pas pour demain, mais pour hier ? Et si vous faisiez partie des rares survivants, condamnés à vivre pour l’éternité dans une maison isolée, entourés d’une poignée de personnalités aussi brillantes qu’énigmatiques ? Comment réagiriez-vous ? C’est ce postulat vertigineux que développent James Tynion IV et Álvaro Martínez Bueno dans cette suite très attendue du diptyque The Nice House on the Lake

Ils sont dix, acteur, historien, artiste, écrivain, scientifique ou encore médecin. Tous brillent par leur excellence dans leur domaine. Mais au-delà de leurs compétences, un autre point les unit : ils ont été sélectionnés puis réunis dans une somptueuse demeure au bord de la Méditerranée avec pour seule mission de survivre à la fin du monde.

Et ça fait deux ans déjà, deux ans qu’ils cohabitent plus ou moins facilement. Ça mérite un toast au monde d’autrefois.

« À ceux que nous avons perdus. Et aux êtres humains exceptionnels qui se tiennent devant moi »

Celui qui parle, c’est Max. L’homme qui les a sélectionnés en suivant un protocole strict. Tout l’opposé de Walter.

Walter, lui aussi, a rassemblé un groupe. Dans une autre maison, au bord d’un lac cette fois. Mais ses critères étaient d’un autre ordre : non pas l’excellence, mais l’affection. Il a sauvé des proches, des amis, des connaissances plus ou moins anciennes. Résultat : deux communautés radicalement différentes. Deux expériences humaines, ignorantes l’une de l’autre mais plus pour très longtemps. Car un seul groupe pourra survivre…

Salué aussi bien par le public que par la critique des deux côtés de l’Atlantique, le diptyque The Nice House on the Lake s’est imposé comme une œuvre incontournable, récompensée par deux Eisner Awards en 2022 (meilleure nouvelle série, meilleur scénariste) ainsi que par le Prix de la série au Festival d’Angoulême en 2024.

The Nice by the Sea en est la suite directe. Également conçu comme un diptyque, il reprend avec brio les ingrédients qui ont fait le succès de son prédécesseur : une tension psychologique constante, une atmosphère d’anticipation étouffante, et une touche d’horreur parfaitement maîtrisée.

Un petit chef-d’œuvre au scénario redoutable, à la narration ciselée, et à la mise en image saisissante, qui confirme l’exceptionnel talent de ses auteurs.

Eric Guillaud

The Nice House by the Sea, de James Tyrion IV et Álvaro Martinez Bueno. Urban Comics. 25€

© Tynion IV & Martinez Bueno

16 Juin

Albertine a disparu : un polar social au cœur de la France rurale signé François Vignolle, Vincent Guerrier et Vincenzo Bizzarri

Inspiré d’une histoire vraie, le récit de François Vignolle, Vincent Guerrier et Vincenzo Bizzarri nous plonge au cœur de la campagne française pour un polar à forte dimension sociale, explorant une thématique très actuelle : la place des personnes âgées dans notre société.

Juillet 2022. À Courteville, comme partout ailleurs, la chaleur est accablante. La canicule s’installe, implacable. Inquiet pour ses aînés, le maire du village décide de prendre les choses en main. Méticuleusement, en suivant sa liste, il appelle chacun d’eux, un par un, pour prendre de leurs nouvelles et les inviter à s’hydrater régulièrement.

Jusqu’à ce qu’il arrive sur le nom d’Albertine Buisson. Depuis des années, personne ne l’a vue ni entendue. Plus de son, plus d’image. Même ses voisins et sa famille sont sans nouvelles. Il n’y a guère que l’un de ses fils, Christian, qui pourrait en avoir, lui qui, soi-disant, lui apporte chaque semaine de quoi manger. Mais Christian est gravement malade et alité. Intrigué, le maire décide alors de mener sa petite enquête. Rejoint par les gendarmes, il pénètre dans la maison d’Albertine, visiblement abandonnée depuis des lustres…

L’histoire d’Albertine a disparu est inspirée d’un fait réel qui s’est déroulé en 2022 dans un hameau de Bretoncelles dans le département de l’Orne. François Vignolle et Vincent Guerrier, tous deux journalistes, ont suivi cette affaire troublante pour leurs médias respectifs. Associés au dessinateur italien Vincenzo Bizzarri, ils reconstituent ici les dernières années de la vieille dame sans s’interdire le recours à la fiction. Résultat : un récit captivant qui commence comme une paisible chronique rurale, avant de basculer progressivement dans le polar, en nous interrogeant en filigrane sur la place que notre société réserve à ses aînés, entre oubli et solitude.

Eric Guillaud

Albertine a disparu, de François Vignolle, Vincent Guerrier et Vincenzo Bizzarri. Glénat. 23€

© Vignolle, Guerrier & Bizzarri

11 Juin

Hellsing, Berserk, Les Années douces, Au temps de Botchan, Chi, Sorcières… Le Coin des mangas

Bientôt les vacances, du temps pour bouquiner, alors c’est le moment de rassembler vos prochaines lectures. On vous y aide avec cette sélection de mangas en tout genre…

On commence avec la réédition très attendue du manga Hellsing en version Perfect, un format plus grand, une belle couverture rigide et deux volumes réunis pour le plus grand plaisir des amoureux du Mangaka Khota Hirano dont le trait incisif et l’énergie brute ont fait la réputation. Hellsing est une œuvre sombre et brutale pour public averti comme il l’est précisé sur la quatrième de couverture, mettant en scène un vampire surpuissant à la solde d’une organisation secrète en guerre contre les forces du mal en Angleterre. (Hellsing, édition perfect tome 1, de Khota Hirano. Delcourt / Tonkam. 15,99€)

Attention, série culte. Quarante ans d’existence, des millions et des millions d’albums vendus à travers la planète, des adaptations en films d’animation, en jeux, des produits dérivés comme s’il en pleuvait… et une nouvelle collection pour ce bijou du manga du sieur Akira Toriyama, une collection Full Color et grand format dont la publication a débuté en mai 2024. Cette nouvelle édition reprend les mêmes pages que l’édition traditionnelle (42 volumes)  mais est divisée en arcs scénaristiques. Ce premier volume du Roi démon Piccolo fait suite aux huit volumes de L’Enfance de Goku. De quoi retrouver Goku en quête de ses sept boules de cristal, les fameuses Dragon Balls… (Dragon Ball Full Color, Le Roi démon Piccolo. tome 1, d’Akira Toriyama. Glénat. 14,95€ le volume)

Une autre série culte, One Pièce, est arrivée tranquillement à sa 109ᵉ livraison en avril. De quoi nous faire tourner la tête et propulser la série du Japonais Eiichiro Oda dans le top One du manga le plus lu et le plus connu sur la planète Terre et peut-être au-delà. Plusieurs centaines de millions d’exemplaires vendus à travers le monde, une grosse trentaine en France, un univers unique, un mélange d’aventure, de fantastique et d’humour, et un héros baptisé Lufy qui rêve de devenir le roi des pirates en trouvant le « One Piece », un fameux trésor. (One Piece tome 109, de Eiichiro Oda. Glénat. 7,20€)

On reste dans l’univers de la série One Piece avec Dragon, un superbe ouvrage de près de 200 pages rassemblant des illustrations couleurs grand format avec, en bonus, trois dépliants et une rencontre croisée entre Gosho Aoyama, l’auteur de Détective Conan, et Eiichiro Odao lui-même. Dans un échange libre et passionné, les deux auteurs reviennent sur leurs séries respectives, leur style, leurs adaptations cinéma, le succès… (Dragon, One Piece Color walk tome 10, de Eiichiro Oda. Glénat. 25,50€)

C’est l’un des auteurs de mangas les plus connus et les plus appréciés en Europe. Avec L’homme qui marche, Le Journal de mon père, Quartier lointain, Enemigo, Furari, Le Gourmet solitaire ou encore Les Années douces, Jirô Taniguchi a élaboré une œuvre personnelle, sensible et profondément humaniste, largement influencée par la bande dessinée européenne. Dans Au Temps de Botchan, dont le troisième volet est sorti en avril, le Mangaka met en images avec ce trait fin, délicat et poétique qui le caractérise un scénario de Natsuo Sekikawa. Cap sur le Japon du début du XXe siècle pour une fresque autant historique que littéraire. (Au temps de Botchan, tome 3, de Taniguchi et Sekikawa. Casterman. 22€)

Et si, décidément, vous êtes un inconditionnel de Taniguchi, ne manquez pas la nouvelle édition des Années douces, désormais proposée dans son sens de lecture original. Cette adaptation sensible du roman de Hiromi Kawakami aborde la thématique de la rencontre amoureuse. Tsukiko, trentenaire célibataire, croise un soir dans un petit restaurant un de ses anciens professeurs de lycée. Au fil des rencontres, elle et lui finissent par s’apprivoiser et laisser parler leurs sentiments… (Les Années douces, de Jirô Taniguchi, d’après le roman de Hiromi Kawakami. Casterman. 24€)

Abara, Blame 0, Biomega... Tsutomu Nihei s’est fait connaître au Japon et en Europe avec des récits SF sombres, désespérés, violents, oppressants, organiques, reconnaissables entre tous et récemment réédités dans une version Deluxe aux éditions Glénat. Il revient aujourd’hui avec le 1ᵉʳ volet d’un récit de fantasy, Tower Dungeon, graphiquement un peu moins torturé mais toujours aussi percutant et efficace. Au cœur de l’histoire, une princesse, enlevée par un nécromancien maléfique et enfermée dans la tour des dragons. Pour la libérer, la garde royale va devoir affronter quelques délicieux monstres. (Tower Dungeon, tome 1, de Tsutomu Nihei. Glénat. 7,90€)

« Il ne suffit pas d’être du côté des vainqueurs pour être heureux. » Celle qui prononce ces mots s’appelle Haru Sudô. Elle est japonaise. Celui à qui ils s’adressent se nomme Arthur Jirô Hashimoto, un Américain d’origine japonaise arrivé au Japon avec les forces alliées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Il porte en lui le deuil de son frère, tombé sur le front italien. Depuis la capitulation, au cœur du chaos, chacun cherche à survivre, à se reconstruire. Face à un avenir incertain, entre un mariage arrangé par son père ou la prostitution, Haru choisit sa propre voie : épouser Athur Jirô Hashimoto et le suivre aux États-Unis…. À travers quatre personnages, aux origines, aux identités et aux orientations sexuelles différentes, la mangaka Marina Lisa Komiya explore ces guerres invisibles que chacun porte en soi dans un Japon encore meurtri et balloté entre la tradition et la modernité. (Les Guerres invisibles, de Marina Lisa Komiya. Casterman. 18€)

Plus d’un million d’albums vendus, des aventures publiées dans une quinzaine de pays à travers le monde, des adaptations en livres jeunesse, en romans, en dessins animés et des produits dérivés en pagaille, Chi est le chaton le plus connu de la planète BD made in Japan. Et le revoici pour un one-shot signé Konami Kanata pour le scénario et Catherine Bouvier pour le dessin, un one-shot qui nous entraîne sur le sol français et plus précisément à Paris où toute la famille s’est installée. De quoi offrir à Chi un nouveau terrain magique ! (Chi, Une vie de chat en France, de Kanata et Bouvier. Glénat. 9,50€)

La première grande série de l’auteur de Fairy Tail rééditée. Il s’agit de Rave, dix-huit tomes attendus, 7 d’ores et déjà disponibles, une réédition en grand format et volumes doubles, de quoi profiter pleinement du dessin de Hiro Mashima et de cette histoire à la Dragon Ball qui débute dans un monde sur le point de basculer dans les ténèbres, cinquante ans après une guerre qui a opposé les Rave, les pierres sacrées, aux Dark Bring, les pierres maléfiques et vu la victoire des Rave. Pour éviter que les Dark Bring reprennent le dessus, il faut un sauveur, ce sera Haru, un jeune garçon aux cheveux argentés plein de ressources, doté d’une épée gigantesque et toujours accompagné de Plue, un petit animal qui ressemble étrangement à un bonhomme de neige. Ensemble, ils vont lutter contre les Dark Bring et l’organisation criminelle Demon Card. (Rave tome 7, de Hiro Mashima. Glénat. 14,95€ le volume)

Initialement publiée aux éditions Casterman en 2006 / 2007, mais depuis longtemps indisponible, la série culte de Daisuke Igarashi fait son grand retour sous le label Moon Light des éditions Delcourt, qui accueille déjà dans son catalogue Petite Forêt et Les Enfants de la mer du même auteur. Avec son approche graphique poétique d’une grande richesse et d’une minutie sans pareil, le Mangaka nous embarque pour un voyage au pays des sorcières en deux volumes et six récits distincts. De quoi décrouvrir le monde de la sorcellerie sous un autre œil ! (Sorcières, de Daisuke Igarashi. Delcourt / Tonkam. 15,99€)

Vous rêviez d’un monde meilleur ? Le mangaka Poroyama Aki nous propose tout le contraire avec Stardust Family. Imaginez une société où l’acte de procréer serait soumis à un examen, comme la conduite auto par exemple. Okaji Sho et son épouse, Okaji Yuna, viennent justement de le passer avec succès après qu’un enfant leur a été prêté par l’administration, à charge pour lui de tester les postulants parents. Mais qui sont ces enfants testeurs ? D’où viennent-ils ? Leur froideur, leur manque d’empathie inquiètent… (Stardust Family, de Poroyama Aki. Vega. 8,35€)

C’est une histoire d’épicier. Mais d’épicier épicé. Du genre qui ne vend pas que des légumes. Taro Sakamoto, c’est son nom, a beau avoir un léger embonpoint, une moustache à la papa, des lunettes de myope, il est à lui seul un mythe, une légende, un ex-tueur admiré de tous ces congénères, craint par tous les gangsters. Oui, Sakamoto l’épicier avait le flingue facile avant de raccrocher, de se marier, d’avoir un enfant et de s’installer comme épicier. Une vie pépère jusqu’au jour où le jeune assassin télépathe Sin débarque dans la supérette. Vous voulez de l’action ? Alors, vous en aurez, Sakamoto Days est un concentré d’énergie au rythme de parution effréné. Le tome 17 est sorti en avril. (Sakamoto Days tome 17, de Yuto Suzuki. Glénat. 7,20€)

On termine comme on a commencé : avec une réédition. Et pas n’importe laquelle — celle du cultissime manga de Kentaro Miura, Berserk. Cette nouvelle édition grand format, sous couverture rigide, bénéficie d’une traduction entièrement revue et propose des pages couleurs exclusives. L’occasion rêvée de redécouvrir ce chef-d’œuvre de dark fantasy dans les meilleures conditions. Plongée garantie dans un Moyen Âge plus sombre que jamais, aux côtés de Guts, mercenaire au bras artificiel et à l’épée titanesque, et de Puck, un elfe espiègle issu d’un peuple féerique. Tandis que l’un incarne la violence brute, l’autre en atténue les ténèbres. Bienvenue en enfer. (Berserk, de Kentaro Miura. Glénat. 24,90€)

Eric Guillaud

07 Juin

24 Heures du Mans 2025. Deux BD en guise de tour de chauffe

La légende des 24 Heures du Mans ne s’écrit pas seulement sur l’asphalte, mais aussi sur le papier. Chaque année, de nouveaux ouvrages viennent enrichir la bibliographie de cette course mythique. En ce mois de juin, deux albums de bande dessinée nous replongent dans l’histoire palpitante de l’épreuve. Moteur !

Plus de cent ans d’histoire ont inscrit les 24 Heures du Mans dans la mémoire collective, bien au-delà du cercle des passionnés. Nul besoin d’être pilote ou fan de la première heure pour avoir entendu les noms de Jean Rondeau ou Michel Vaillant.

La suite ici

02 Juin

Première mission en VF pour Rogue Trooper, le super-soldat cousin de Judge Dredd

Tirée des prestigieuses pages du magazine de bande dessinée anglais culte 2000 AD, la série Rogue Trooper a enfin droit à une première traduction française, sans que son propos violemment antimilitariste n’en perde une miette…

Un paysage désolé et défiguré par les cratères et les impacts d’obus. Deux camps se faisant face sans trop savoir ce qu’ils font là, à part tuer à tout prix l’autre. Avec pour seul horizon : la mort, la folie ou l’oubli. Un champ de bataille universel en quelque sorte, aussi insensé que cruel. Et le théâtre de Rogue Trooper – Les Vallées d’Albion, soit le premier portage en France à notre connaissance d’une série sortie des pages de cette pépinière de talents qu’a toujours été le magazine anglais 2000 AD. Une pépinière dont l’éditeur français Delirium n’a de cesse de réhabiliter l’héritage culturel depuis quelques années, dont celui de sa star, le trop souvent mal-compris mais ô combien subversif Judge Dredd.  

L’affiliation est d’autant plus pertinente ici que l’on retrouve ici l’une des caractéristiques du juge, cette starification si l’on peut dire d’un personnage central ultra-bourrin. Sauf qu’ici, cela prend la forme d’un soldat au look de GI devenu surhomme génétiquement modifié et accompagné par ses anciens camarades tombés au combat, ou plutôt leurs esprits, transférés sur une puce (!) informatique. Un übermensch volontairement outrancier par sa froideur et son côté calculateur, entièrement tourné vers l’art de la guerre. Un être XXL, volontairement à la limite de la caricature pour mieux souligner l’absurdité de cette tuerie sans fin.

© Delirium / Garth Ennis & Patrick Goddard

Le décor ? Nu Earth, terre désolée et ravagée par une guerre éternelle dans un futur plus ou moins proche (ce n’est pas précisé) où deux factions rivales n’ont de cesse de s’entretuer. Un trou noir y projette malgré eux une petite troupe de soldats britanniques engagés à la base dans la Première Guerre mondiale. Mais d’un conflit à un autre, l’horreur est la même et l’homme, sans pitié pour son prochain.  

Publiée à l’origine sous forme d’épisodes de six pages, Les Vallées D’Albion est une histoire indépendante et l’un des nombreux avatars de cette série aux nombreuses ramifications, créée, à la base, en 1981. Malgré son rythme assez haché dû à son format feuilleton, elle en est assez représentative, notamment grâce au scénario de Garth Ennis, connu aujourd’hui surtout pour ses séries Preacher et The Boys mais qui s’est fait la main sur Judge Dredd au début des années 90.

© Delirium / Garth Ennis & Patrick Goddard

L’action a beau y être omniprésente, ce n’est jamais au détriment du propos.  Appuyées par un noir et blanc au contraste marqué et malgré son ton très « space-opera », les références historiques y sont nombreuses, principalement à la Première Guerre mondiale, ironiquement appelé ‘la der des der’ par ses protagonistes, persuadés qu’ils étaient que la sauvagerie des tranchées et le nombre hallucinant de morts qui en a résulté réfrèneraient pour toujours l’envie irrépréhensible des hommes de s’entretuer.

Malgré son cahier des charges, le récit laisse de la place à chaque personnage et esquisse même un vague message humaniste, cette troupe bigarrée se retrouvant obligée à un moment de cohabiter avec un soldat allemand, le fameux ennemi tant redouté, tout en essayant de retrouver leur base. Et non, ni héroïsme, ni happy end, ni nobles sentiments au bout du chemin. Juste l’oubli, la souffrance et ce sentiment d’absurdité absolue. La guerre, dans tout ce qu’elle a de plus nihiliste.

Olivier Badin

Rogue Trooper – Les Vallées d’Albion de Garth Ennis et Patrick Goddard. 20€. Delirium

© Delirium / Garth Ennis & Patrick Goddard

01 Juin

Un peu de douceur dans un monde de brutes : Le Journal de Samuel d’Émilie Tronche adapté en bande dessinée

Vous l’avez peut-être aperçue sur les réseaux sociaux ou suivie sur Arte : la série Samuel débarque aujourd’hui en bande dessinée. Une adaptation fidèle qui prolonge avec justesse l’univers singulier créé par Émilie Tronche…

Il s’appelle Samuel, il a tout juste 10 ans et consigne dans son journal intime les petits et grands bouleversements de son quotidien. Avec dans l’immédiat, un problème. Un problème qui s’appelle Julie. Samuel en est tombé amoureux, même s’il ne se l’avoue pas encore. « Julie c’est pas que je l’aime, c’est juste qu’elle a rigolé à une de mes blagues y a pas longtemps ».

On y croit ! Julie est dans sa classe, et c’est bien. Mais DImitri aussi : « Lui c’est mon pire ennemi« , écrit-il, « Toutes les filles sont amoureuses de lui parce qu’il court vite ».

Julie, Dimitri, Basile, Corentin le meilleur pote, Bérénice la prétendante ou encore Eric-Pierre… c’est tout un microcosme de l’enfance qu’Émilie Tronche met en scène dans cette bande dessinée, adaptation de la fameuse série animée Samuel toujours disponible sur Arte.tv.

Avec tendresse, humour et légèreté, minimalisme et expressivité dans le trait, elle capte les émotions de l’enfance, les joies, les peines, les petits riens et les grands maux qui ponctuent les premières années de la vie dans un récit à hauteur d’enfant sans pour antant tomber dans l’infantilisme. Le ton sonne juste, la forme est d’une élégance folle, avec en prime une grande importance accordée à la musique et à la danse. Pour les fans de la série et pour tous ceux qui regardent encore la vie avec des yeux d’enfants ! Une saison 2 est en cours…

Eric Guillaud

Samuel, d’Émilie Tronche. Arte Éditions / Casterman. 23€