Entre mythe et réalité, la bande dessinée réinvente sans cesse les horizons du Far West. Ces albums récemment sortis sont là pour en témoigner…
Son mari et ses trois fils ont été massacrés par les Indiens. Sa fille, elle, a sombré dans la folie. Autant dire que Kate ne les déteste pas : elle les hait. Pourtant, c’est à elle que le commandant Lewis confie un bébé hopi, abandonné devant la porte du fort. « C’est un garçon. Ça pourra toujours te servir plus tard, non ? » lui lance-t-on. Et puis, difficile de refuser cent dollars et une vache pour le lait. Alors Kate accepte. À contre-cœur, certes. Mais elle accepte. L’enfant grandit. Il devient un jeune homme. Son nom ? Dead Smile. Pourquoi ? Parce qu’il ne sourit que lorsqu’il tue froidement.
Paru en janvier dernier, le premier volet de ce diptyque affiche clairement la volonté des auteurs d’explorer la culture des Indiens Hopi, avec une histoire porté par un dessin réaliste classique, précis, dans la veine réaliste de Blueberry. (Dead Smile, Le Sacrifice des aigles tome 1, de Makyo et Sicomoro. Delcourt. 15,95€)
Le Français Thierry Gloris et le Québécois Jacques Lamontagne poursuivent leur chevauchée fantastique au cœur de l’Ouest américain avec le premier volet d’un troisième diptyque consacré aux légendes Wild Bill et Martha Jane Cannary, plus connue sous le nom de Calamity Jane. Tandis que le premier est devenu shérif de Dolores City, accédant au rang de notable, la seconde, en proie à ses démons, sombre régulièrement dans un état de dépravation avancée, au point d’être retrouvée inanimée dans l’enclos aux porcs, ce qui donne bien du fil à retordre au bon vieux Bill…
Initialement prévu comme un simple diptyque, le projet a finalement pris de l’ampleur. En mai dernier, les auteurs ont livré le cinquième volet de cette très belle série qui se distingue par un scénario solide, une approche humaine et documentée, un graphisme splendide, des ambiances sombres à souhait et des personnages aux caractères bien trempés. (Rédemption, Wild West tome 5, de Lamontagne et Gloris. Dupuis. 15,95€)
Coup sur coup, juste avant l’été, deux albums sont venus enrichir la collection La Véritable Histoire du Far West des éditions Glénat et Fayard. Après avoir évoqué les figures légendaires de Jesse James, Wild Bill Hickok, Calamity Jane ou encore la bataille de Little Big Horn, la série se penche cette fois sur deux événements majeurs qui ont nourri la légende du Far West et inspiré le septième art. C’est tout d’abord la mythique fusillade d’O.K. Corral où, en 1881, les frères Earp affrontèrent le gang Clanton – McLaury, des représentants de la loi au passé sulfureux d’un côté, de purs hors la loi de l’autre. C’est ensuite la bataille de Fort Alamo qui opposa les Texans aux troupes mexicaines. Treize jours de siège qui s’achevèrent dans le sang et la victoire des Mexicains.
Deux récits, deux styles graphiques, mais un même souci de rigueur historique, renforcé par un dossier signé Farid Ameur, docteur en histoire de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne. (Fort Alamo, de Martinello, Toulhoat, Gabella et Ameur. Glénat / Fayard. 14,95€ – Ok Corral, de Morvan, Tcherkézian, Scietronc et Ameur. Glénat / Fayard. 14,95€)
1754, du côté de la vallée de l’Ohio. C’est là, le long de cette voie fluviale menant au stratégique Mississippi, que se jouera l’avenir de la Nouvelle-France. La guerre de Sept Ans, qui éclatera deux ans plus tard et opposera les royaumes de Grande-Bretagne et de France, aboutira en 1763 à la cession des territoires français à la couronne d’Angleterre. Pour l’heure, la vallée de l’Ohio, convoitée par les deux camps pour son rôle primordial dans le commerce de la fourrure, n’est le théâtre que d’escarmouches, sous le regard d’Européens et de peuples autochtones avant tout préoccupés par la survie de leur famille et de leur tribu.
Parmi eux — et c’est là que la fiction rejoint la réalité dans cette trilogie signée Fred Duval au scénario et Brada au dessin — on retrouve Jacques de la Salle, ancien pirate reconverti en trappeur, et Loup Blanc, un Iroquois dela nation Mohawk dont on découvre, et c’est tout l’intérêt de ce récit, la culture et notamment la place essentielle occupée par les femmes.
Période maintes fois abordée au cinéma comme en littérature, Ohio La Belle rivière en offre un regard différent porté par un dessinateur dont le trait réaliste capte autant la beauté des paysages que la violence des hommes et un scénariste dont l’humanisme est le principal moteur ! ( Ohio La Belle rivière, Livre 2, de Duval et Brada. Delcourt. 15,50€)
Eric Guillaud