Initialement publié en 2021, le premier volet de Contrapaso bénéficie aujourd’hui d’une réédition dans la collection Aire Noire, alors que sort le deuxième tome. Deux excellentes raisons de (re)plonger dans le récit de Teresa Valero, au cœur de l’Espagne franquiste…
Dix-sept ans que ça dure ! Dix-sept ans qu’Emilio Sanz, journaliste aux faits divers du quotidien La Capitale à Madrid, traque un meurtrier insaisissable. Dix-sept ans de théories, d’hypothèses et de fausses pistes. Les victimes n’ont rien en commun, si ce n’est d’être des femmes. Jamais de mobile sexuel, mais toujours une mise en scène macabre, presque théâtrale. Et à chaque fois, une corde. Non pas utilisée pour tuer, mais disposée de façon à dessiner une lettre. C’est du moins la conviction de Léon Lenoir, le jeune binôme de Sanz…
Au-delà d’être un excellent polar, Contrapaso a le mérite de nous immerger, avec une force remarquable et une précision documentaire, dans l’Espagne des années 1950, celle de la dictature franquiste et des phalangistes, un pays refermé sur lui-même, conservateur à l’excès, gangrené par la misère, mais qui, comme l’illustre parfaitement ce récit, cherche à se donner une légitimité sur la scène internationale, en rejoignant l’ONU et en ouvrant ses frontières aux équipes de cinéma comme aux troupes américaines.
Si Teresa Valero fait ses premiers pas dans la bande dessinée en tant que scénariste, notamment avec la série Sorcelleries dessinée par Juanjo Guarnido, elle se tourne très rapidement vers le dessin. Avec Contrapaso, elle signe pour la première fois une œuvre en autrice complète : un scénario dense, solidement construit, servi par un trait réaliste et expressif, légèrement stylisé, où chaque détail compte, des atmosphères pesantes et sombres à l’image de cette période, un découpage et des cadrages cinématographiques qui renforcent la tension dramatique.
Eric Guillaud
Contrapaso, tomes 1 et 2, de Teresa Valero. Dupuis. 25€