16 Juin

Albertine a disparu : un polar social au cœur de la France rurale signé François Vignolle, Vincent Guerrier et Vincenzo Bizzarri

Inspiré d’une histoire vraie, le récit de François Vignolle, Vincent Guerrier et Vincenzo Bizzarri nous plonge au cœur de la campagne française pour un polar à forte dimension sociale, explorant une thématique très actuelle : la place des personnes âgées dans notre société.

Juillet 2022. À Courteville, comme partout ailleurs, la chaleur est accablante. La canicule s’installe, implacable. Inquiet pour ses aînés, le maire du village décide de prendre les choses en main. Méticuleusement, en suivant sa liste, il appelle chacun d’eux, un par un, pour prendre de leurs nouvelles et les inviter à s’hydrater régulièrement.

Jusqu’à ce qu’il arrive sur le nom d’Albertine Buisson. Depuis des années, personne ne l’a vue ni entendue. Plus de son, plus d’image. Même ses voisins et sa famille sont sans nouvelles. Il n’y a guère que l’un de ses fils, Christian, qui pourrait en avoir, lui qui, soi-disant, lui apporte chaque semaine de quoi manger. Mais Christian est gravement malade et alité. Intrigué, le maire décide alors de mener sa petite enquête. Rejoint par les gendarmes, il pénètre dans la maison d’Albertine, visiblement abandonnée depuis des lustres…

L’histoire d’Albertine a disparu est inspirée d’un fait réel qui s’est déroulé en 2022 dans un hameau de Bretoncelles dans le département de l’Orne. François Vignolle et Vincent Guerrier, tous deux journalistes, ont suivi cette affaire troublante pour leurs médias respectifs. Associés au dessinateur italien Vincenzo Bizzarri, ils reconstituent ici les dernières années de la vieille dame sans s’interdire le recours à la fiction. Résultat : un récit captivant qui commence comme une paisible chronique rurale, avant de basculer progressivement dans le polar, en nous interrogeant en filigrane sur la place que notre société réserve à ses aînés, entre oubli et solitude.

Eric Guillaud

Albertine a disparu, de François Vignolle, Vincent Guerrier et Vincenzo Bizzarri. Glénat. 23€

© Vignolle, Guerrier & Bizzarri

11 Juin

Hellsing, Berserk, Les Années douces, Au temps de Botchan, Chi, Sorcières… Le Coin des mangas

Bientôt les vacances, du temps pour bouquiner, alors c’est le moment de rassembler vos prochaines lectures. On vous y aide avec cette sélection de mangas en tout genre…

On commence avec la réédition très attendue du manga Hellsing en version Perfect, un format plus grand, une belle couverture rigide et deux volumes réunis pour le plus grand plaisir des amoureux du Mangaka Khota Hirano dont le trait incisif et l’énergie brute ont fait la réputation. Hellsing est une œuvre sombre et brutale pour public averti comme il l’est précisé sur la quatrième de couverture, mettant en scène un vampire surpuissant à la solde d’une organisation secrète en guerre contre les forces du mal en Angleterre. (Hellsing, édition perfect tome 1, de Khota Hirano. Delcourt / Tonkam. 15,99€)

Attention, série culte. Quarante ans d’existence, des millions et des millions d’albums vendus à travers la planète, des adaptations en films d’animation, en jeux, des produits dérivés comme s’il en pleuvait… et une nouvelle collection pour ce bijou du manga du sieur Akira Toriyama, une collection Full Color et grand format dont la publication a débuté en mai 2024. Cette nouvelle édition reprend les mêmes pages que l’édition traditionnelle (42 volumes)  mais est divisée en arcs scénaristiques. Ce premier volume du Roi démon Piccolo fait suite aux huit volumes de L’Enfance de Goku. De quoi retrouver Goku en quête de ses sept boules de cristal, les fameuses Dragon Balls… (Dragon Ball Full Color, Le Roi démon Piccolo. tome 1, d’Akira Toriyama. Glénat. 14,95€ le volume)

Une autre série culte, One Pièce, est arrivée tranquillement à sa 109ᵉ livraison en avril. De quoi nous faire tourner la tête et propulser la série du Japonais Eiichiro Oda dans le top One du manga le plus lu et le plus connu sur la planète Terre et peut-être au-delà. Plusieurs centaines de millions d’exemplaires vendus à travers le monde, une grosse trentaine en France, un univers unique, un mélange d’aventure, de fantastique et d’humour, et un héros baptisé Lufy qui rêve de devenir le roi des pirates en trouvant le « One Piece », un fameux trésor. (One Piece tome 109, de Eiichiro Oda. Glénat. 7,20€)

On reste dans l’univers de la série One Piece avec Dragon, un superbe ouvrage de près de 200 pages rassemblant des illustrations couleurs grand format avec, en bonus, trois dépliants et une rencontre croisée entre Gosho Aoyama, l’auteur de Détective Conan, et Eiichiro Odao lui-même. Dans un échange libre et passionné, les deux auteurs reviennent sur leurs séries respectives, leur style, leurs adaptations cinéma, le succès… (Dragon, One Piece Color walk tome 10, de Eiichiro Oda. Glénat. 25,50€)

C’est l’un des auteurs de mangas les plus connus et les plus appréciés en Europe. Avec L’homme qui marche, Le Journal de mon père, Quartier lointain, Enemigo, Furari, Le Gourmet solitaire ou encore Les Années douces, Jirô Taniguchi a élaboré une œuvre personnelle, sensible et profondément humaniste, largement influencée par la bande dessinée européenne. Dans Au Temps de Botchan, dont le troisième volet est sorti en avril, le Mangaka met en images avec ce trait fin, délicat et poétique qui le caractérise un scénario de Natsuo Sekikawa. Cap sur le Japon du début du XXe siècle pour une fresque autant historique que littéraire. (Au temps de Botchan, tome 3, de Taniguchi et Sekikawa. Casterman. 22€)

Et si, décidément, vous êtes un inconditionnel de Taniguchi, ne manquez pas la nouvelle édition des Années douces, désormais proposée dans son sens de lecture original. Cette adaptation sensible du roman de Hiromi Kawakami aborde la thématique de la rencontre amoureuse. Tsukiko, trentenaire célibataire, croise un soir dans un petit restaurant un de ses anciens professeurs de lycée. Au fil des rencontres, elle et lui finissent par s’apprivoiser et laisser parler leurs sentiments… (Les Années douces, de Jirô Taniguchi, d’après le roman de Hiromi Kawakami. Casterman. 24€)

Abara, Blame 0, Biomega... Tsutomu Nihei s’est fait connaître au Japon et en Europe avec des récits SF sombres, désespérés, violents, oppressants, organiques, reconnaissables entre tous et récemment réédités dans une version Deluxe aux éditions Glénat. Il revient aujourd’hui avec le 1ᵉʳ volet d’un récit de fantasy, Tower Dungeon, graphiquement un peu moins torturé mais toujours aussi percutant et efficace. Au cœur de l’histoire, une princesse, enlevée par un nécromancien maléfique et enfermée dans la tour des dragons. Pour la libérer, la garde royale va devoir affronter quelques délicieux monstres. (Tower Dungeon, tome 1, de Tsutomu Nihei. Glénat. 7,90€)

« Il ne suffit pas d’être du côté des vainqueurs pour être heureux. » Celle qui prononce ces mots s’appelle Haru Sudô. Elle est japonaise. Celui à qui ils s’adressent se nomme Arthur Jirô Hashimoto, un Américain d’origine japonaise arrivé au Japon avec les forces alliées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Il porte en lui le deuil de son frère, tombé sur le front italien. Depuis la capitulation, au cœur du chaos, chacun cherche à survivre, à se reconstruire. Face à un avenir incertain, entre un mariage arrangé par son père ou la prostitution, Haru choisit sa propre voie : épouser Athur Jirô Hashimoto et le suivre aux États-Unis…. À travers quatre personnages, aux origines, aux identités et aux orientations sexuelles différentes, la mangaka Marina Lisa Komiya explore ces guerres invisibles que chacun porte en soi dans un Japon encore meurtri et balloté entre la tradition et la modernité. (Les Guerres invisibles, de Marina Lisa Komiya. Casterman. 18€)

Plus d’un million d’albums vendus, des aventures publiées dans une quinzaine de pays à travers le monde, des adaptations en livres jeunesse, en romans, en dessins animés et des produits dérivés en pagaille, Chi est le chaton le plus connu de la planète BD made in Japan. Et le revoici pour un one-shot signé Konami Kanata pour le scénario et Catherine Bouvier pour le dessin, un one-shot qui nous entraîne sur le sol français et plus précisément à Paris où toute la famille s’est installée. De quoi offrir à Chi un nouveau terrain magique ! (Chi, Une vie de chat en France, de Kanata et Bouvier. Glénat. 9,50€)

La première grande série de l’auteur de Fairy Tail rééditée. Il s’agit de Rave, dix-huit tomes attendus, 7 d’ores et déjà disponibles, une réédition en grand format et volumes doubles, de quoi profiter pleinement du dessin de Hiro Mashima et de cette histoire à la Dragon Ball qui débute dans un monde sur le point de basculer dans les ténèbres, cinquante ans après une guerre qui a opposé les Rave, les pierres sacrées, aux Dark Bring, les pierres maléfiques et vu la victoire des Rave. Pour éviter que les Dark Bring reprennent le dessus, il faut un sauveur, ce sera Haru, un jeune garçon aux cheveux argentés plein de ressources, doté d’une épée gigantesque et toujours accompagné de Plue, un petit animal qui ressemble étrangement à un bonhomme de neige. Ensemble, ils vont lutter contre les Dark Bring et l’organisation criminelle Demon Card. (Rave tome 7, de Hiro Mashima. Glénat. 14,95€ le volume)

Initialement publiée aux éditions Casterman en 2006 / 2007, mais depuis longtemps indisponible, la série culte de Daisuke Igarashi fait son grand retour sous le label Moon Light des éditions Delcourt, qui accueille déjà dans son catalogue Petite Forêt et Les Enfants de la mer du même auteur. Avec son approche graphique poétique d’une grande richesse et d’une minutie sans pareil, le Mangaka nous embarque pour un voyage au pays des sorcières en deux volumes et six récits distincts. De quoi décrouvrir le monde de la sorcellerie sous un autre œil ! (Sorcières, de Daisuke Igarashi. Delcourt / Tonkam. 15,99€)

Vous rêviez d’un monde meilleur ? Le mangaka Poroyama Aki nous propose tout le contraire avec Stardust Family. Imaginez une société où l’acte de procréer serait soumis à un examen, comme la conduite auto par exemple. Okaji Sho et son épouse, Okaji Yuna, viennent justement de le passer avec succès après qu’un enfant leur a été prêté par l’administration, à charge pour lui de tester les postulants parents. Mais qui sont ces enfants testeurs ? D’où viennent-ils ? Leur froideur, leur manque d’empathie inquiètent… (Stardust Family, de Poroyama Aki. Vega. 8,35€)

C’est une histoire d’épicier. Mais d’épicier épicé. Du genre qui ne vend pas que des légumes. Taro Sakamoto, c’est son nom, a beau avoir un léger embonpoint, une moustache à la papa, des lunettes de myope, il est à lui seul un mythe, une légende, un ex-tueur admiré de tous ces congénères, craint par tous les gangsters. Oui, Sakamoto l’épicier avait le flingue facile avant de raccrocher, de se marier, d’avoir un enfant et de s’installer comme épicier. Une vie pépère jusqu’au jour où le jeune assassin télépathe Sin débarque dans la supérette. Vous voulez de l’action ? Alors, vous en aurez, Sakamoto Days est un concentré d’énergie au rythme de parution effréné. Le tome 17 est sorti en avril. (Sakamoto Days tome 17, de Yuto Suzuki. Glénat. 7,20€)

On termine comme on a commencé : avec une réédition. Et pas n’importe laquelle — celle du cultissime manga de Kentaro Miura, Berserk. Cette nouvelle édition grand format, sous couverture rigide, bénéficie d’une traduction entièrement revue et propose des pages couleurs exclusives. L’occasion rêvée de redécouvrir ce chef-d’œuvre de dark fantasy dans les meilleures conditions. Plongée garantie dans un Moyen Âge plus sombre que jamais, aux côtés de Guts, mercenaire au bras artificiel et à l’épée titanesque, et de Puck, un elfe espiègle issu d’un peuple féerique. Tandis que l’un incarne la violence brute, l’autre en atténue les ténèbres. Bienvenue en enfer. (Berserk, de Kentaro Miura. Glénat. 24,90€)

Eric Guillaud

07 Juin

24 Heures du Mans 2025. Deux BD en guise de tour de chauffe

La légende des 24 Heures du Mans ne s’écrit pas seulement sur l’asphalte, mais aussi sur le papier. Chaque année, de nouveaux ouvrages viennent enrichir la bibliographie de cette course mythique. En ce mois de juin, deux albums de bande dessinée nous replongent dans l’histoire palpitante de l’épreuve. Moteur !

Plus de cent ans d’histoire ont inscrit les 24 Heures du Mans dans la mémoire collective, bien au-delà du cercle des passionnés. Nul besoin d’être pilote ou fan de la première heure pour avoir entendu les noms de Jean Rondeau ou Michel Vaillant.

La suite ici

02 Juin

Première mission en VF pour Rogue Trooper, le super-soldat cousin de Judge Dredd

Tirée des prestigieuses pages du magazine de bande dessinée anglais culte 2000 AD, la série Rogue Trooper a enfin droit à une première traduction française, sans que son propos violemment antimilitariste n’en perde une miette…

Un paysage désolé et défiguré par les cratères et les impacts d’obus. Deux camps se faisant face sans trop savoir ce qu’ils font là, à part tuer à tout prix l’autre. Avec pour seul horizon : la mort, la folie ou l’oubli. Un champ de bataille universel en quelque sorte, aussi insensé que cruel. Et le théâtre de Rogue Trooper – Les Vallées d’Albion, soit le premier portage en France à notre connaissance d’une série sortie des pages de cette pépinière de talents qu’a toujours été le magazine anglais 2000 AD. Une pépinière dont l’éditeur français Delirium n’a de cesse de réhabiliter l’héritage culturel depuis quelques années, dont celui de sa star, le trop souvent mal-compris mais ô combien subversif Judge Dredd.  

L’affiliation est d’autant plus pertinente ici que l’on retrouve ici l’une des caractéristiques du juge, cette starification si l’on peut dire d’un personnage central ultra-bourrin. Sauf qu’ici, cela prend la forme d’un soldat au look de GI devenu surhomme génétiquement modifié et accompagné par ses anciens camarades tombés au combat, ou plutôt leurs esprits, transférés sur une puce (!) informatique. Un übermensch volontairement outrancier par sa froideur et son côté calculateur, entièrement tourné vers l’art de la guerre. Un être XXL, volontairement à la limite de la caricature pour mieux souligner l’absurdité de cette tuerie sans fin.

© Delirium / Garth Ennis & Patrick Goddard

Le décor ? Nu Earth, terre désolée et ravagée par une guerre éternelle dans un futur plus ou moins proche (ce n’est pas précisé) où deux factions rivales n’ont de cesse de s’entretuer. Un trou noir y projette malgré eux une petite troupe de soldats britanniques engagés à la base dans la Première Guerre mondiale. Mais d’un conflit à un autre, l’horreur est la même et l’homme, sans pitié pour son prochain.  

Publiée à l’origine sous forme d’épisodes de six pages, Les Vallées D’Albion est une histoire indépendante et l’un des nombreux avatars de cette série aux nombreuses ramifications, créée, à la base, en 1981. Malgré son rythme assez haché dû à son format feuilleton, elle en est assez représentative, notamment grâce au scénario de Garth Ennis, connu aujourd’hui surtout pour ses séries Preacher et The Boys mais qui s’est fait la main sur Judge Dredd au début des années 90.

© Delirium / Garth Ennis & Patrick Goddard

L’action a beau y être omniprésente, ce n’est jamais au détriment du propos.  Appuyées par un noir et blanc au contraste marqué et malgré son ton très « space-opera », les références historiques y sont nombreuses, principalement à la Première Guerre mondiale, ironiquement appelé ‘la der des der’ par ses protagonistes, persuadés qu’ils étaient que la sauvagerie des tranchées et le nombre hallucinant de morts qui en a résulté réfrèneraient pour toujours l’envie irrépréhensible des hommes de s’entretuer.

Malgré son cahier des charges, le récit laisse de la place à chaque personnage et esquisse même un vague message humaniste, cette troupe bigarrée se retrouvant obligée à un moment de cohabiter avec un soldat allemand, le fameux ennemi tant redouté, tout en essayant de retrouver leur base. Et non, ni héroïsme, ni happy end, ni nobles sentiments au bout du chemin. Juste l’oubli, la souffrance et ce sentiment d’absurdité absolue. La guerre, dans tout ce qu’elle a de plus nihiliste.

Olivier Badin

Rogue Trooper – Les Vallées d’Albion de Garth Ennis et Patrick Goddard. 20€. Delirium

© Delirium / Garth Ennis & Patrick Goddard

01 Juin

Un peu de douceur dans un monde de brutes : Le Journal de Samuel d’Émilie Tronche adapté en bande dessinée

Vous l’avez peut-être aperçue sur les réseaux sociaux ou suivie sur Arte : la série Samuel débarque aujourd’hui en bande dessinée. Une adaptation fidèle qui prolonge avec justesse l’univers singulier créé par Émilie Tronche…

Il s’appelle Samuel, il a tout juste 10 ans et consigne dans son journal intime les petits et grands bouleversements de son quotidien. Avec dans l’immédiat, un problème. Un problème qui s’appelle Julie. Samuel en est tombé amoureux, même s’il ne se l’avoue pas encore. « Julie c’est pas que je l’aime, c’est juste qu’elle a rigolé à une de mes blagues y a pas longtemps ».

On y croit ! Julie est dans sa classe, et c’est bien. Mais DImitri aussi : « Lui c’est mon pire ennemi« , écrit-il, « Toutes les filles sont amoureuses de lui parce qu’il court vite ».

Julie, Dimitri, Basile, Corentin le meilleur pote, Bérénice la prétendante ou encore Eric-Pierre… c’est tout un microcosme de l’enfance qu’Émilie Tronche met en scène dans cette bande dessinée, adaptation de la fameuse série animée Samuel toujours disponible sur Arte.tv.

Avec tendresse, humour et légèreté, minimalisme et expressivité dans le trait, elle capte les émotions de l’enfance, les joies, les peines, les petits riens et les grands maux qui ponctuent les premières années de la vie dans un récit à hauteur d’enfant sans pour antant tomber dans l’infantilisme. Le ton sonne juste, la forme est d’une élégance folle, avec en prime une grande importance accordée à la musique et à la danse. Pour les fans de la série et pour tous ceux qui regardent encore la vie avec des yeux d’enfants ! Une saison 2 est en cours…

Eric Guillaud

Samuel, d’Émilie Tronche. Arte Éditions / Casterman. 23€

12 Mai

Le coin des rééditions : Les Enragés, Jeremiah, Chiens de prairie…

Au rythme effréné des parutions, il est parfois bon de s’arrêter, de passer la marche arrière et de se replonger dans quelques séries ou one-shots qui ont marqué nos jeunes ou moins jeunes années. Les Enragés, Jeremiah, Chiens de prairie… sont de ceux-là.

Honneur à la plus ancienne des trois, la série Jeremiah imaginée par l’auteur belge Hermann. Quarante-six ans d’âge, quarante-et-un albums et un univers singulier qui nous embarque dans un futur post-atomique à la Mad Max, crépusculaire et violent à souhait. « J’avais lu Ravage de Barjavel », confiait un jour Hermann, « un excellent bouquin dont l’action se situe après une guerre atomique… La Terre est ravagée et toute la sauvagerie de l’homme se donne alors libre cours ». En quelques mots, l’auteur résumait à merveille ce qui attendait les deux protagonistes, Jeremiah et Kurdy, et bien évidemment les lecteurs. Ce neuvième volume de l’intégrale couleurs sorti en mars réunit les tomes 33 à 36 parus entre 2014 et 2018, quatre récits qui portent encore la griffe d’un grand Hermann. (Jeremiah Intégrale, tome 9, de Hermann. Dupuis. 42€)

Plus récente mais tout de même lancée il y a trente ans, autant dire au siècle précédent, la série Les Enragés nous embarque de l’autre côté de l’Atlantique pour une petite virée au pays des cinglés :« C’est bien simple, ici on ne peut pas faire trois pas sans tomber sur un camé, un maquereau ou un taulard en cavale », dixit un chauffeur de taxi qui connait bien sa ville. Mais peu importe, Hamlet, qui se trouve justement à l’arrière du taxi, est là pour « encaisser des impayés ». Ancien agent du gouvernement reconverti en tueur à gage, Hamlet va accepter le contrat de trop, laisser derrière lui un témoin et se retrouver avec pas mal de monde aux fesses et deux gamins dans les pattes. Les Enragés avait été un choc graphique et scénaristique dans les années 90, il n’a en rien perdu de sa force même si la couverture de l’intégrale, qui réunit les cinq albums de la série, pourra en laisser certains dubitatifs. (Les Enragés, intégrale, de Chauvel, Le Sac, Legris et Simon. Delcourt.  45,50€)

Avec deux noms pareils aux commandes, on pouvait logiquement s’attendre au meilleur. Et ce fut le cas, Berthet au dessin et Foerster au scénario livraient il y a presque trente ans maintenant un western reprenant les codes habituels du genre – quelques noms légendaires aussi – tout en explorant une voie plus originale, portée par des personnages à la psychologie fouillée et par une intrigue pleine de furie et d’humanité. Chiens de prairie est l’histoire d’une chevauchée qui n’a rien de fantastique, tout du tragique avec, dans le rôle du pourchassé, J.B. Bone, un brigand des grands chemins, et dans celui des poursuivants, une meute de chasseurs de prime. Et au milieu de tout ça, le cadavre d’un ami que J.B. Bone s’est juré d’enterrer au côté de sa bien-aimée, et un gamin, sourd et muet, récupéré sur la route, avec qui il finira par nouer une belle relation. Quant au dessin ? Une merveille ! (Chiens de prairie, de Berthet et Foerster. Anspach. 16,50€ – en librairie le 23 mai)

Eric Guillaud

11 Mai

Diane Arbus, Romy Schneider, Nadia Comaneci, Marcel Cerdan, Joséphine Baker… Biopics à volonté

Qui n’a pas son biopic ? Acteur de cinéma, musicien, égérie, homme politique, sportif… la bande dessinée s’en est fait une spécialité. Dans tous les styles, dans tous les genres, la preuve ici encore avec cette sélection d’albums de bande dessinée.

Diane Arbus a toujours perçu la photographie comme une aventure, une rencontre avec des lieux et des personnes, principalement celles que l’on appelle les invisibles, des travestis, des handicapés, des individus appartenant à des groupes marginalisés. C’est cette approche singulière et cette capacité à « révéler la beauté et l’humanité de celles et ceux que la société préfère souvent ignorer »  qui ont attiré Aurélie Wilmet. L’autrice belge, passionnée de photographie depuis toujours, a longtemps hésité entre des études d’illustration et de photographie. Juste retour des choses, elle nous livre aujourd’hui un magnifique biopic sur la photographe américaine en s’intéressant à son parcours professionnel, mais aussi à sa vie privée, à ses amours, ses fragilités et sa dépression qui la mènera au suicide en 1971. Un récit passionnant de bout en bout avec un parti prix graphique et chromatique qui apporte beaucoup de poésie à l’ensemble. (Diane Arbus, Photographier les invisibles, d’Aurélie Wilmet. Casterman. 29,95€)

Changement de style mais pas de lieu, ni d’époque, avec cet album de Claire Translate et Livio Bernardo qui nous replonge dans l’Amérique des années 60/70 du siècle précédent pour une biographie romancée de Candy Darling. Qui est Candy Darling ? Une actrice de la communauté trans, figure du New York underground, muse d’Andy Warhol et de Lou Reed, immortalisée dans la chanson Walk on the Wild Side, elle a joué dans plusieurs films avant de s’éteindre en 1974, à seulement 29 ans. Ce livre retrace sa vie entre 1963 et 1972 dans un style graphique alliant un côté rétro et des ambiances pop, un trait fin et expressif, un découpage énergique et une palette de couleurs vives. (Candy Superstar, de Claire Translate et Livio Bernardo. Delcourt. 29,95€)

La première image qui nous vient à l’esprit lorsqu’on évoque Joséphine Baker est souvent celle d’une femme noire en pagne de bananes. Mais elle fut bien plus que cela. Celle qu’on surnommait Tumpie fut une figure incontournable de l’émancipation des femmes, une militante antiraciste, même si elle resta longtemps incomprise au sein de la communauté afro-américaine, et une défenseuse acharnée de la liberté. Jean-Luc Cornette et Agnese Innocente, à qui l’on doit déjà un biopic sur Audrey Hepburn, racontent son destin hors norme, depuis sa jeunesse dans le Missouri des années 1910 jusqu’à son triomphe sur la scène parisienne au milieu des années 20. Un biopic très documenté et plein d’humour, basé sur les propres souvenirs de Joséphine Baker. (Tumpie – La jeunesse tumultueuse de Joséphine Baker, de Jean-Luc Cornette et Agnese Innocente. Glénat. 22,50€)

Embarquons maintenant pour les océans en compagnie de deux pirates, ou plus précisément de deux jeunes femmes pirates, les célèbres Anne Bonny et Mary Read. Ce n’est pas la première fois, loin de là, que le neuvième art met en avant ces personnages qui ont profondément marqué l’histoire de la piraterie par une sauvagerie digne d’un Barbe Bleu mais Arnaud Le Gouëfflec, au scénario, et Laurent Richard, au dessin, nous en proposent une approche différente et absolument captivante, alliant le souffle de l’aventure maritime à une exploration de la psychologie et de l’intimité des deux femmes. Côté graphisme, l’album se singularise là aussi par un trait simple, précis et délicat et une mise en couleur que l’on aurait imaginée plus sombre mais qui se révèle plutôt judicieuse sur la longueur. (Deux Femmes, de Le Gouëfflec et Richard. Glénat. 28€)

Nous restons dans l’univers de la piraterie avec une autre figure féminine d’exception : Zheng Shi, considérée par beaucoup comme la pirate la plus redoutable et la plus puissante de tous les temps. Elle a semé la terreur sur les mers de Chine au début du XIXe siècle, à la tête — dit-on — de centaines de navires et de milliers d’hommes. Jean-Yves Delitte, architecte designer de formation, peintre officiel de la Marine belge et auteur de nombreuses bandes dessinées consacrées à l’histoire maritime — parmi lesquelles La Buse, Black Beard ou Les Grandes batailles navales — signe ici un grand récit d’aventure en deux volumes. On y retrouve son talent reconnu, mêlant trait réaliste et rigueur documentaire. (Zheng Shi, de Jean-Yves Delitte. Glénat. 14,50€)

Sissi Impératrice, La Piscine, César et Rosalie, Le Vieux fusil… le nom de Romy Schneider est indissociable de quelques-unes des plus belles pages du septième art. Plus de 40 après sa mort, personne n’a oublié son talent, sa beauté, son charisme, sa cinégénie, ce petit quelque chose qui la faisait briller au milieu d’une foule. Romy est une étoile éternelle qui n’en finit pas de nous interroger, la preuve avec ce nouvel album de bande dessinée sorti en novembre dernier. Le scénariste Stéphane Betbeder et le dessinateur Rémi Torregrossa y retracent la vie de la comédienne depuis ses premiers pas dans le cinéma en compagnie de sa mère jusqu’en 1970, avec la sortie sur les écrans du film Les Chose de la vie de Claude Sautet qui la consacre comme une immense vedette du cinéma français. Un récit qui appelle une suite. En attendant, Rémi Torregrossa nous dessine une Romy aussi divine que dans nos souvenirs cinématographiques. (Romy Schneider, de Stéphane Betbeder et Rémi Torregrossa. Glénat. 23€)

Après les univers des arts, de la piraterie et du cinéma, place au sport avec une véritable légende de la gymnastique : la Roumaine Nadia Comaneci, entrée dans l’histoire lors des Jeux Olympiques de Montréal en 1976 en décrochant, pour la première fois, la note parfaite de 10.00. Marjolaine Solaro et Clem remontent aux premières années de cette icône pour retracer son parcours de sportive d’exception dans une Roumanie alors verrouillée par le régime communiste du dictateur Nicolae Ceaușescu. Soumise à une discipline de fer, constamment surveillée et privée de liberté, Nadia Comaneci finit par s’épuiser… avant de fuir vers l’Ouest, dans l’espoir de vivre enfin librement. Un récit rigoureusement documenté, porté par un dessin fortement influencé par l’esthétique manga. (Nadia Comaneci, de Marjolaine Solaro et Clem. Glénat. 19,50€)

Sport toujours avec cet album de Bertrand Galic et Jandro sorti en octobre 2024 et qui nous raconte la vie d’une légende de la boxe, Marcel Cerdan mort dans un accident d’avion en 1949. C’est par cet épisode que commence le récit, par la fin, une fin tragique, avant de revenir sur sa jeunesse et cette information que les moins connaisseurs seront surpris d’apprendre : enfant, Marcel ne rêvait pas de devenir boxeur mais footballeur. Sur une centaine de pages, les auteurs passent en revue et en accéléré 33 années d’une vie pour le moins riche, sa carrière de boxeur bien évidemment, son rapprochement avec la Résistance, son engagement dans les Forces navales françaises libres en 1942, sa rencontre avec Edith Piaf… Une belle histoire, un bel album. (Marcel, de Bertrand Galic et Jandro. Delcourt. 22,50€)

Eric Guillaud

07 Mai

Miles Davis et la quête du son de Dave Chisholm ou comment révolutionner le jazz à tout prix

Au dos de ce bel ouvrage, on retrouve en exergue cette citation de Miles Davis lui-même : « Je vois des couleurs et des choses quand je joue ». Un bon résumé de ce qui fait la force de cette biographie documentée et sérieuse, mais assez convenue, de l’un des plus grands trompettistes de l’histoire du jazz et pionnier infatigable.

Dans l’absolu, Miles Davis Et La Quête Du Son suit les rails balisés d’une biographie classique, en prenant comme point de départ la paralysie partielle dont le musicien a été victime en 1982 suite à un infarctus qui l’a poussé à se tourner vers le dessin pour rééduquer sa main droite. À partir de ce moment clef où, après des années de succès mais également d’abus en tous genres, Davis a failli perdre l’usage de l’une de ses mains et donc voir sa carrière se terminer, on suit chronologiquement l’histoire de cet enfant élevé en Arkansas par des parents aimants arrivant à dix-huit ans à New York en 1944 pour s‘inscrire à la prestigieuse école Julliard pour étudier la musique. 

L’introduction étant signée par Erin Davis, le dernier de ses fils qui gère désormais son héritage et son image, on sait d’entrée que le ton restera révérencieux. Sa part d’ombre n’est pas pourtant totalement occultée, notamment ses relations conflictuelles avec les nombreuses femmes de sa vie ou sa nature obsessionnelle. Mais c’est justement cette obsession à trouver ce qu’il nomme LE son qui reste au centre du récit, cette façon qu’il avait invariablement de se réinventer tous les trois ou quatre ans, quitte à laisser sur le bas-côté ses fidèles collaborateurs ou ses fans.

C’est dans ces moments-là que ce roman graphique, revendiqué tel quel, prend toute son ampleur, dans ses pleines pages où le corps même du trompettiste prend toute la place et s’étire au milieu parfois de couleurs explosives, Dave Chisholm réussissant alors à retranscrire toute la flamboyance et la volatilité de ce génie tyrannique.

Après, en tant que trompettiste lui-même, déjà auteur d’une bande dessinée sur l’idole de Davis Charlie ‘Bird’ Parker, celui qui cumule ici les rôles de dessinateur, scénariste et coloriste se laisse parfois trop emporter par son sujet. Donc autant cette litanie de featuring prestigieux (Dizzy Gillespie, Bird, Duke Ellington, John Coltrane etc.) et de précisions techniques sur la grammaire musicale ravira les fans les plus lettrés, autant elle risque de rebuter les auditeurs occasionnels venus peut-être chercher un propos plus accessible et pédagogue.

Olivier Badin

 Miles Davis et la quête du son, de Dave Chisholm. 23€. Glénat

03 Mai

Electric Miles : un voyage psychédélique dans l’univers du pulp signé Brüno et Fabien Nury

Né de la passion commune du dessinateur Brüno et du scénariste Fabien Nury pour la science-fiction rétro et l’esthétique pulp, « Electric Miles » nous plonge dans l’Amérique des années 50, le temps d’un récit aussi sombre qu’intrigant. Rencontre…

© F3 Pays de la Loire / Eric Guillaud

Nous l’avions rencontré en 2015, il y a tout juste dix ans. À l’époque, Brüno venait de publier le deuxième volet de ce qui allait devenir la trilogie Tyler Cross. Une œuvre marquante, saluée par la critique et par le public, aujourd’hui en passe d’être adaptée en dessin animé pour Canal+.

Cette fois, nous le retrouvons dans son atelier nantais à l’occasion de la sortie du premier volet d’un nouveau projet baptisé Electric Miles. Entre les deux, plusieurs points communs, à commencer par la présence à ses côtés du scénariste Fabien Nury, le choix des États-Unis comme terrain de jeu et une atmosphère de thriller à couper au couteau.

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24 Avr

Le Prolongement de Gwendal le Bec ou l’éternité en question

Ne plus vieillir ! Et si l’un des plus vieux rêves de l’humanité devenait une réalité ou, du moins, une possibilité pour quelques-uns d’entre nous ? Dans sa première bande dessinée baptisée Le Prolongement, Gwendal Le Bec explore avec finesse et légèreté les thématiques du temps qui passe, de l’amour et de la mortalité…

2070, quelque part en France. Camille et Gloria auraient pu vieillir tranquillement l’un à côté de l’autre, prenant soin l’un de l’autre, comme beaucoup de retraités ! Mais une révolution médicale est passée par là, bouleversant le quotidien du couple et de nombreux autres. Cette révolution a pour nom Le Prolongement et permet de repousser les limites de la vieillesse. Si Camille est resté totalement insensible à cette promesse d’éternité, ce n’est pas le cas de Gloria qui, depuis des années, passe son temps allongée dans un caisson éterniseur installé dans la cave de la maison.

Jusqu’au jour où ce fameux éterniseur tombe en panne. Gloria revient momentanément à la vraie vie, le temps d’une petite réparation, d’un petit câlin à Camille, le temps surtout de trouver de l’argent pour payer la suite de son prolongement. Une petite fortune ! Et là, tout se complique, Gloria et Camille vont devoir mettre en vente le restaurant de leur jeunesse. De quoi créer quelques tensions…

Dans Le Prolongement, Gwendal Le Bec dont c’est ici la première bande dessinée, explore le thème universel de la jeunesse éternelle sous l’angle intime d’un couple confronté à des choix de vie opposés. Avec cette question : à quoi bon décrocher l’éternité quand vos proches n’en veulent pour rien au monde ? Une fiction d’anticipation qui nous amène à réfléchir sur le temps, l’amour, le sexe, le corps, les apparences, la vieillesse, la vie, la mort, sans jamais tomber dans la caricature ni le mélodrame.

Côté graphisme, Gwendal Le Bec, qui s’est illustré dans la peinture, le livre jeunesse et le dessin de presse, propose ici un style léger, drôle et sensible. La mise en page classique offre une grande fluidité et certaines scènes de sexe, bien que pouvant choquer par leur frontalité, s’intègrent parfaitement à l’histoire racontée.

Eric Guillaud

Le Prolongement, de Gwendal le Bec. Casterman. 25€

© Casterman / Le Bec