Diane Arbus a toujours perçu la photographie comme une aventure, une rencontre avec des lieux et des personnes, principalement celles que l’on appelle les invisibles, des travestis, des handicapés, des individus appartenant à des groupes marginalisés. C’est cette approche singulière et cette capacité à « révéler la beauté et l’humanité de celles et ceux que la société préfère souvent ignorer » qui ont attiré Aurélie Wilmet. L’autrice belge, passionnée de photographie depuis toujours, a longtemps hésité entre des études d’illustration et de photographie. Juste retour des choses, elle nous livre aujourd’hui un magnifique biopic sur la photographe américaine
en s’intéressant à son parcours professionnel, mais aussi à sa vie privée, à ses amours, ses fragilités et sa dépression qui la mènera au suicide en 1971. Un récit passionnant de bout en bout avec un parti prix graphique et chromatique qui apporte beaucoup de poésie à l’ensemble. (Diane Arbus, Photographier les invisibles, d’Aurélie Wilmet. Casterman. 29,95€)
Changement de style mais pas de lieu, ni d’époque, avec cet album de Claire Translate et Livio Bernardo qui nous replonge dans l’Amérique des années 60/70 du siècle précédent pour une biographie romancée de Candy Darling. Qui est Candy Darling ? Une actrice de la communauté trans, figure du New York underground, muse d’Andy Warhol et de Lou Reed, immortalisée dans la chanson Walk on the Wild Side, elle a joué dans
plusieurs films avant de s’éteindre en 1974, à seulement 29 ans. Ce livre retrace sa vie entre 1963 et 1972 dans un style graphique alliant un côté rétro et des ambiances pop, un trait fin et expressif, un découpage énergique et une palette de couleurs vives. (Candy Superstar, de Claire Translate et Livio Bernardo. Delcourt. 29,95€)
La première image qui nous vient à l’esprit lorsqu’on évoque Joséphine Baker est souvent celle d’une femme noire en pagne de bananes. Mais elle fut bien plus que cela. Celle qu’on surnommait Tumpie fut une figure incontournable de l’émancipation des femmes, une militante antiraciste, même si elle resta longtemps incomprise au sein de la communauté afro-américaine, et une défenseuse acharnée de la liberté. Jean-Luc Cornette et
Agnese Innocente, à qui l’on doit déjà un biopic sur Audrey Hepburn, racontent son destin hors norme, depuis sa jeunesse dans le Missouri des années 1910 jusqu’à son triomphe sur la scène parisienne au milieu des années 20. Un biopic très documenté et plein d’humour, basé sur les propres souvenirs de Joséphine Baker. (Tumpie – La jeunesse tumultueuse de Joséphine Baker, de Jean-Luc Cornette et Agnese Innocente. Glénat. 22,50€)
Embarquons maintenant pour les océans en compagnie de deux pirates, ou plus précisément de deux jeunes femmes pirates, les célèbres Anne Bonny et Mary Read. Ce n’est pas la première fois, loin de là, que le neuvième art met en avant ces personnages qui ont profondément marqué l’histoire de la piraterie par une sauvagerie digne d’un Barbe Bleu mais Arnaud Le
Gouëfflec, au scénario, et Laurent Richard, au dessin, nous en proposent une approche différente et absolument captivante, alliant le souffle de l’aventure maritime à une exploration de la psychologie et de l’intimité des deux femmes. Côté graphisme, l’album se singularise là aussi par un trait simple, précis et délicat et une mise en couleur que l’on aurait imaginée plus sombre mais qui se révèle plutôt judicieuse sur la longueur. (Deux Femmes, de Le Gouëfflec et Richard. Glénat. 28€)
Nous restons dans l’univers de la piraterie avec une autre figure féminine d’exception : Zheng Shi, considérée par beaucoup comme la pirate la plus redoutable et la plus puissante de tous les temps. Elle a semé la terreur sur les mers de Chine au début du XIXe siècle, à la tête — dit-on — de centaines de navires et de milliers d’hommes. Jean-Yves Delitte, architecte
designer de formation, peintre officiel de la Marine belge et auteur de nombreuses bandes dessinées consacrées à l’histoire maritime — parmi lesquelles La Buse, Black Beard ou Les Grandes batailles navales — signe ici un grand récit d’aventure en deux volumes. On y retrouve son talent reconnu, mêlant trait réaliste et rigueur documentaire. (Zheng Shi, de Jean-Yves Delitte. Glénat. 14,50€)
Sissi Impératrice, La Piscine, César et Rosalie, Le Vieux fusil… le nom de Romy Schneider est indissociable de quelques-unes des plus belles pages du septième art. Plus de 40 après sa mort, personne n’a oublié son talent, sa beauté, son charisme, sa cinégénie, ce petit quelque chose qui la faisait briller au milieu d’une foule. Romy est une étoile éternelle qui n’en finit pas de nous interroger, la preuve avec ce nouvel album de bande dessinée sorti
en novembre dernier. Le scénariste Stéphane Betbeder et le dessinateur Rémi Torregrossa y retracent la vie de la comédienne depuis ses premiers pas dans le cinéma en compagnie de sa mère jusqu’en 1970, avec la sortie sur les écrans du film Les Chose de la vie de Claude Sautet qui la consacre comme une immense vedette du cinéma français. Un récit qui appelle une suite. En attendant, Rémi Torregrossa nous dessine une Romy aussi divine que dans nos souvenirs cinématographiques. (Romy Schneider, de Stéphane Betbeder et Rémi Torregrossa. Glénat. 23€)
Après les univers des arts, de la piraterie et du cinéma, place au sport avec une véritable légende de la gymnastique : la Roumaine Nadia Comaneci, entrée dans l’histoire lors des Jeux Olympiques de Montréal en 1976 en décrochant, pour la première fois, la note parfaite de 10.00. Marjolaine Solaro et Clem remontent aux premières années de cette icône pour retracer son parcours de sportive d’exception dans une Roumanie alors verrouillée par le régime communiste du dictateur Nicolae Ceaușescu. Soumise à
une discipline de fer, constamment surveillée et privée de liberté, Nadia Comaneci finit par s’épuiser… avant de fuir vers l’Ouest, dans l’espoir de vivre enfin librement. Un récit rigoureusement documenté, porté par un dessin fortement influencé par l’esthétique manga. (Nadia Comaneci, de Marjolaine Solaro et Clem. Glénat. 19,50€)
Sport toujours avec cet album de Bertrand Galic et Jandro sorti en octobre 2024 et qui nous raconte la vie d’une légende de la boxe, Marcel Cerdan mort dans un accident d’avion en 1949. C’est par cet épisode que commence le récit, par la fin, une fin tragique, avant de revenir sur sa jeunesse et cette information que les moins connaisseurs seront surpris d’apprendre : enfant, Marcel ne rêvait pas de devenir boxeur mais footballeur. Sur une centaine de pages, les auteurs passent en revue et en accéléré 33 années d’une vie pour le moins riche, sa carrière de boxeur bien évidemment, son rapprochement avec la Résistance, son engagement dans les Forces navales françaises libres en 1942, sa rencontre avec Edith Piaf… Une belle histoire, un bel album. (Marcel, de Bertrand Galic et Jandro. Delcourt. 22,50€)
Eric Guillaud