20 Oct

L’adaptation pleine de destins brisés du Macbeth de Shakespeare

Le pouvoir rend t-il fou ? Peut-on échapper à son destin ? Voici quelques-unes des questions soulevées par l’une des plus célèbres tragédies de William Shakespeare, adaptée ici dans un roman graphique aussi âpre et magnifique que les plaines fouettées par le vent d’Écosse qui lui servent de décor.

Shakespeare est certes rarement synonyme de gaudriole (quoique, Beaucoup De Bruit Pour Rien est une belle farce mais bref) mais Macbeth garde une place particulière dans son œuvre gargantuesque. C’est l’une de ses tragédies les plus jouées mais aussi l’une des plus sombres. Un récit cruel où comment, rongé par l’ambition et poussé par sa femme alors qu’il est tout juste auréolé d’une victoire militaire, un général commet un régicide pour s’emparer du trône d’Écosse. Un crime absolu car commis sous son propre toit et qui le fait sombrer peu à peu dans la folie, avant de lui coûter la vie.

Une pièce sur le mal qui sommeille en chacun de nous, l’obsession et le côté implacable du destin, publiée pour la première fois en 1623 et mise ici en image par deux frères jumeaux, Gaëtan et Paul Brizzi qui, après une première adaptation de L’Enfer de Dante, suivi de peu par Don Quichotte, ont décidé depuis 2022 de s’attaquer à de grands classiques de la littérature étrangère.

© Daniel Maghen / Paul et Gaëtan Brizzi

Les frères Brizzi le soulignent eux-mêmes dans l’introduction qui ouvre le livre : les plaines désolées de l’Écosse du XVIIème siècle ainsi que le lugubre et monumental château d’Inverness où se passe presque toute l’action sont quasiment des personnages à part entière de la pièce. Un décor aussi grandiose que froid qu’ils subliment d’ailleurs dans de grandes cases où l’ombre semble grignoter dès qu’elle peut la lumière et où les protagonistes semblent livrés à eux-mêmes, dans un combat perdu d’avance.

© Daniel Maghen / Paul et Gaëtan Brizzi

Le tout est serti dans un noir et blanc crayonné du plus bel effet. Difficile au passage de ne pas penser au cinéma expressionniste allemand des années 20 mais aussi à l’influence de Gustave Doré (1833-1883) – illustrateur attitré de Jules Verne mais aussi de la première édition, justement, de L’Enfer – lors du sabbat organisé par les sorcières, déguisées en sœurs du destin.

Surtout que plutôt que de se laisser emprisonnées par le texte d’origine, nombreuses sont les pages sans texte, comme pour mieux mettre en exergue le combat perdu d’avance de Macbeth contre les forces du mal et sa métamorphose en dictateur amené à être, lui, aussi déchu.

Olivier Badin

Macbeth de Paul et Gaëtan Brizzi. Daniel Maghen éditions. 25 €