04 Nov

Thorgal : un monde d’aventures…

La série Thorgal est l’une des pièces maîtresses des éditions du Lombard et un monument du patrimoine mondial de la bande dessinée. C’est en 1977 que le personnage fait son apparition dans les pages du journal Tintin, le temps d’une aventure de 30 pages pensent alors les auteurs Grzegorz Rosinski et Jean Van Hamme. Mais les lecteurs vont en décider autrement. Ils aiment, ils adorent et en redemandent. En 1980 paraît le premier album « La Magicienne trahie ». C’est le début d’une longue, très longue aventure. 35 ans de longévité à ce jour, 33 albums et 2 séries parallèles, Kriss de Valnor et Louve, réunies sous l’appellation Les mondes de Thorgal. L’une et l’autre développent les aventures de personnages secondaires rencontrés par Thorgal ou de certains membres de sa propre famille.

Une troisième série parallèle est annoncée et portera sur La Jeunesse de Thorgal. En attendant, deux albums sont sortis ce mois-ci, La main coupée du dieu tyr, deuxième volet de Louve, et Digne d’une reine, troisième opus de Kriss de Valnor. Mais ce n’est pas tout ! Les éditions du lombard viennent de publier un making-of intitulé Aux origines des Mondes qui revient sur ce récent développement de la série. Au sommaire : les interviews des différents auteurs, Grzegorz Rosinski en tête, suivi d’Yves Sente, de Giulo de Vita, Roman Surzhenko, Yann, mais aussi de nombreuses illustrations, des photographies, des découpages, des crayonnés et même des séquences inédites. Des ouvrages indispensables pour les fans de base… EGuillaud

Digne d’une reine, Kriss de Valnor (tome 3), de Sente et De Vita. 12 euros
La main coupée du dieu Tyr, Louve (tome 2), de Yann et Surzhenko. 12 euros
Lz monde de Thorgal aux origines des Mondes. Hors série. 12 euros

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Retrouvez ci-dessous la bande annonce du troisième volet de Kriss de Valnor
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03 Nov

Eden Hôtel ou le jeunesse d’Ernesto Guevara selon Gabriel Ippoliti et Diego Agrimbau

Eden Hôtel n’est pas la première bande dessinée sur le Che. Il y a eu le fameux Che publié en 1968 et signé Hector Oesterheld, Alberto Breccia, Enrique Breccia, plus proche de nous, Le Che une icône révolutionnaire de Spain Rodriguez (Hors Collection) ou encore le livre d’Olivier Wozniak, Maryse et Jean-François Charles, Libertad Che Guevara (Casterman). Mais c’est peut-être la première fois que le mythique personnage se trouve plongé dans un récit qui relève à la fois de la réalité historique et de la fiction.

Le scénariste argentin Diego Agrimbau est parti d’un lieu et d’un contexte bien réels pour mettre en scène Ernesto Guevara Lynch père et fils. Le contexte, c’est la deuxième guerre mondiale, et le lieu, un hôtel de luxe en Argentine dont les propriétaires allemands ont affiché dès le début de la guerre leur soutien à Hitler, au point de transformer le site en un véritable bunker nazi. Autre fait bien réel, le père du futur Che apparaît comme un membre actif  d’Action Argentine, une organisation militante qui enquêtait sur les activités nazies en Amérique du Sud. Et c’est aux portes de l’hôtel que commence la fiction. Ernesto Guevara père et fils n’y ont jamais mis les pieds. « Ils se sont arrêtés devant le portail, ont regardé autour d’eux … », précise Diego Agrimbau dans une interview publiée en fin d’ouvrage, « et sont immédiatement repartis en direction d’Alta Gracia, où ils habitaient alors […] Jamais ils n’ont résidé à l’hôtel. Mais pour moi, c’est là qu’a commencé la fiction, ou plutôt l’uchronie… » Et d’imaginer le père du Che et le futur Che lui-même, alors enfant, infiltrés au coeur de la place forte ennemie avec pour tâche de déjouer les plans d’une éventuelle invasion de l’Amérique latine. Après La Bulle de Bertold et La Grande toile, Diego Agrimbau et le dessinateur Gabriel Ippoliti nous offrent un nouveau récit captivant, bien construit, toujours inscrit dans le plausible, avec un dessin réaliste précis et des couleurs particulièrement soignées. EGuillaud

Ernesto, Eden Hôtel (tome 1), de Gabriel Ippoliti et Diego Agrimbau. Editions Casterman. 13,50 euros

30 Oct

Nemo : la série du Nantais Brüno rééditée en intégrale chez Treize Etrange

C’est peut-être la série qui l’a révélé à la critique et au public. Le Nantais d’adoption Brüno déjà responsable et coupable de plusieurs albums chez des éditeurs indépendants, tels que Mais que fait la police? ou les excellents Wanted et Cold Train, s’attaque au début des années 2000 à l’écriture de Nemo, un récit très librement inspiré de Vingt mille lieues sous les mers écrit par un autre Nantais, de naissance celui-ci, Jules Verne. Ce récit paraît en quatre volumes chez Treize Etrange entre 2001 et 2005 avant d’être réédité en intégrale noir et blanc et aujourd’hui en intégrale couleurs. La boucle est bouclée. Et Treize Etrange nous permet de découvrir ou redécouvrir une nouvelle fois, mais on ne s’en lasse pas, une oeuvre singulière au graphisme à la fois inspiré de la ligne claire d’Hergé et de l’expressionnisme d’un Muñoz ou d’un Breccia. Une bonne porte d’entrée pour aller vers les albums plus récents de Brüno, Commando colonial, Junk ou le magnifique Atar Gull paru en 2011 chez Dargaud. EGuillaud

Nemo, Intégrale couleur. Editions Treize Etrange. 20 euros

29 Oct

Cézembre, de Nicolas Malfin : le destin de quatre adolescents pris dans la tourmente de la libération de Saint-Malo

Voici un grand écart qui ne devrait pas passer inaperçu. Nicolas Malfin, le talentueux dessinateur de la série d’anticipation Golden City vient de sortir un récit de guerre ayant pour décor la ville de Saint-Malo. Cézembre, du nom d’une île située dans la baie, raconte la destinée de quatre ados qui comptent bien participer à la libération de leur cité en intégrant la Résistance. Nous sommes en aout 1944, les forces alliées ne sont plus qu’à quelques kilomètres de là mais la bataille décisive se prépare aussi à l’ombre des remparts.

Dessinateur ET scénariste de ce nouveau projet, Nicolas Malfin fait donc un bond de plus de cent cinquante ans en arrière pour nous offrir un récit de fiction ancré dans la réalité historique. Et son trait fluide et élégant qui a participé à l’immense succès de Golden City fait également merveille dans ce genre, admirez notamment les pages de combats aériens ! Côté scénario, une première pour Nicolas, le résultat est plutôt convaincant malgré peut-être quelques longueurs. La suite au prochain épisode… EGuillaud

Cézembre (première partie), de Malfin. Editions Dupuis. 16,50 euros

A découvrir le site de l’auteur

27 Oct

Buck Danny, Tif et Tondu… aventures en intégrale.

Changement d’époque, changement de style. Will, le grand Will, l’immense Will décide d’arrêter à l’aube des années 90 les aventures de Tif et Tondu pour se consacrer, comme bon nombre d’auteurs à l’époque, à une bande dessinée moins classique, plus adulte. Beaucoup de ces auteurs d’ailleurs, publiés chez Dupuis se retrouveront dans la collection Aire Libre. Will et Desberg, son scénariste, les suivront et y publieront La 27e Lettre et Le Jardin des désirs. Quoiqu’il en soit, la succession est ouverte, difficile, tant les mythiques Tif et Tondu sont indissociables de celui qui a animé leurs aventures pendant plus de 40 ans. Finalement, ce sont Alain Sikorski au dessin et Denis Lapière au scénario qui reprennent la série et lui donnent un sacré coup de jeune. Dans ce douzième et avant dernier volume de l’Intégrale Tif et Tondu sont réunis les trois récits Prise d’otages, A feu et à sang, L’Assassin des trois villes soeurs et le traditionnel cahier graphique.

Après Tif et Tondu, voici un autre personnage mythique de la bande dessinée franco-belge : Buck Danny. Lancées au lendemain de la Deuxième guerre mondiale, les aventures de notre super aviateur se poursuivent dans le ciel tibétain sur fond d’espionnage industriel. Ce septième recueil de l’Intégrale Buck Danny sorti ce mois-ci réunit les quatre récits Top Secret, Mission vers la vallée perdue, Prototype FX-13, Escadrille ZZ et bien entendu le cahier graphique qui revient sur le contexte de création et notamment sur les autres séries lancées à l’époque par Jean-Michel Charlier pour le tout nouveau magazine Pilote : Jacques Le Gall avec Mi’Tacq, Tanguy et Laverdure avec Uderzo, et Le Démon des Caraïbes avec à nouveau Victor Hubinon. Une période très riche qui annonce un renouveau pour la bande dessinée franco-belge. EGuillaud

Crimes ordinaires, Intégrale Tif et Tondu (tome 12), de Sikorski et Lapière. Editions Dupuis. 24 euros

Intégrale Buck Danny (tome 7), de Hubinon et Charlier. Editions Dupuis. 24 euros

23 Oct

Terreur sainte, de Frank Miller : les super-héros américains en lutte contre le terrorisme…

Frank Miller est un auteur de génie qui a marqué de son empreinte le Neuvième art. C’est incontestable. Mais son dernier album, Terreur Sainte paru chez Delcourt, ne peut que nous mettre mal à l’aise. Au point de se demander si Delcourt fait bien de le publier, la presse d’en parler et le lecteur au final de l’acheter. Graphiquement, aucun souci, les planches à l’italienne de l’album sont sublimes. Le découpage, le traitement graphique, la mise en scène, le noir et blanc… Frank Miller maîtrise ses pinceaux avec style, énergie, fureur même. Mais du côté de la plume, c’est une autre histoire. L’auteur entre autres de Sin City, 300, Batman: The Dark Knight Returns, a cru bon ici d’envoyer les super-héros se battre contre des terroristes islamistes. L’affaire se passe dans une ville imaginaire, certes, une ville nommée Empire City mais l’ennemi est lui bien identifié, Al Qaïda. L’éditeur à beau préciser qu’il s’agit là d’une « réponse hargneuse au 11 septembre… » et que « …malgré les positions radicales de l’auteur, Terreur Sainte se garde de condamner l’islamisme pour ne foudroyer que le terrorisme », on est en droit de rester circonspect. Et les dialogues sont loin de nous rassurer comme cet extrait : « Bon, Mohammed, tu m’excuseras si je t’appelle Mohammed mais tu admettras que les chances sont grandes pour que ce soit ton prénom… ». Et que dire de cet phrase d’ouverture que l’auteur attribue à Mahomet « Si tu croises l’infidèle, tue l’infidèle » ? C’est franchement limite et on ne voit pas un dessin, on ne lit pas une ligne qui nous autorise à penser que Frank Miller fait la part des choses entre l’intégrisme et l’islam. Au final, Terreur Sainte est un album ultra-violent et manichéen à lire – si vous y tenez vraiment – l’esprit éveillé ! EGuillaud

Terreur sainte, de Frank Miller. Editions Delcourt. 25,50 euros

22 Oct

La couleur de l’éternité, le deuxième volet de Shrimp signé Burniat, d’Aoust et Donck

Déjà 145.567.893 kilomètres parcourus. Les camarades dignitaires peuvent se féliciter. Leur vaisseau, véritable arche de Noé à la chinoise, devrait se poser sur la planète Xing-Xiang avec 3 heures d’avance, soit précisément dans 21 ans 289 jours et 17 heures. Et le projet de Nouvelle Chine sera dès lors une réalité. En attendant, Albert, le roi de la croquette aux crevettes, embarqué clandestinement sur ce fameux vaisseau doit prouver ses talents culinaires sous peine d’être éjecté dans l’espace. Et les choses ne se présentent pas sous les meilleurs auspices…

Connaissez-vous la couleur de l’éternité ? Et la taille de la perfection ? Non ? Alors, un conseil, lisez le second volet de Shrimp, crevette en français. Non seulement, vous aurez les réponses à ces deux questions fondamentales mais vous passerez un agréable moment en compagnie de notre roi de la croquette aux crevettes et de ses mésaventures intergalactiques imaginées par un trio belge, bruxellois même, composé de Mathieu Burniat au dessin, Benjamin d’Aoust et Matthieu Donck au scénario. Une série franchement drôle et inventive ! EGuillaud

La couleur de l’éternité, Shrimp (tome 2), de Burniat, d’Aoust et Donck. Editions Dargaud. 11,99 euros.

18 Oct

La Grande Odalisque, un album de Vivès, Ruppert & Mulot chez Dupuis

Apprendre que votre moitié vous quitte par texto n’est déjà pas agréable en soi mais l’apprendre alors que vous êtes occupé à voler un tableau de maître au musée d’Orsay tient presque de l’offense. En tout cas, la belle Alex est effondrée et le cambriolage est à deux doigts de tourner au carnage. Carole, sa partenaire, est d’ailleurs blessée. Impossible de continuer ainsi, Alex et Carole ont besoin d’un renfort d’autant que leur prochain coup est encore plus gros et dangereux. Après un rapide casting, leur choix se porte finalement sur une autre femme, Sam. L’équipe est maintenant constituée, objectif  La Grande Odalisque, un tableau de Ingres exposé au Louvre…

D’un côté Bastien Vivès, l’auteur remarqué et remarquable de Polina, Le Goût du chlore ou encore de Pour l’empire, de l’autre Ruppert & Mulot, deux auteurs habitués à travailler ensemble dans la bande dessinée dite indépendante, notamment pour L’Association… Un trio de choc pour un trio chic et déjanté, des nanas prêtes à tout et surtout à l’impossible pour parvenir à leur but. C’est fin, c’est léger et ça se mange sans faim comme les aventures de nos historiques Drôles de dames de la télé et du cinéma auxquelles on l’aura compris Vivès, Ruppert et Mulot rendent ici un hommage appuyé !  EGuillaud

La Grande Odalisque, de Vivès, Ruppert & Mulot. Editions Dupuis. 20,50 euros.

17 Oct

Un printemps à Tchernobyl, le nouveau récit de voyage du Breton Emmanuel Lepage

« Dans ce métier, seul à gratter sur ma planche, j’ai souvent l’impression de voir le monde à travers une vitre, d’être « à côté », cette foi-ci le monde, je le sentirai dans ma peau ! Bien sur, c’etait risqué… mais tellement excitant ! J’allais découvrir des terres interdites où rôde la mort ». Ainsi parle Emmanuel Lepage à la veille de se retrouver au coeur des ténèbres, sur les lieux du premier accident nucléaire majeur : Tchernobyl. L’auteur de Muchacho chez Dupuis ou de Voyage aux îles de la désolation chez Futuropolis n’avait que 19 ans au moment de la catastrophe. 19 ans et peut-être une certaine forme d’insouciance. Mais lorsque 22 ans plus tard, en 2008, l’association Dessin’Acteurs lui propose de témoigner par son média, la bande dessinée, du quotidien de tous ces hommes, femmes et enfants qui vivent autour ou dans la zone contaminée, Emmanuel n’hésite pas un instant. Non pas par conviction antinucléaire mais plutôt pour se confronter au désastre. L‘occasion en tout cas pour lui de réaliser pour la première fois un reportage en dessin. « Je ne serai pas seulement témoin du monde mais « impliqué » ! Acteur ! Militant, quoi ».

Et le voilà débarqué au beau milieu de ce désastre, à tenter de dessiner, d’immortaliser, d’imaginer ces 2600 km2 de zone contaminée, ces 3 grandes villes et 86 villages évacués, ces 200 000 personnes déplacées, ces morts, ces malades, ces forêts enterrées…

L’oeil rivé sur le dosimètre qui régulièrement s’affole, Emmanuel pénètre plusieurs fois dans la zone interdite, protégé d’un simple masque en tissu et de gants en plastique. Dans l’urgence, il croque ici un abris bus abandonné et envahi par la végétation, là les réacteurs de la centrale et plus loin les anciennes coopératives agricoles, les cimetières de camions et d’hélicoptères contaminés, les rues et immeubles de la ville de Pripiat… mais aussi les gens, ordinaires, anciens liquidateurs miraculeusement vivants, paysans et autres qui vivent autour de la zone, parfois à l’intérieur.

Un printemps à Tchernobyl, réalisé au retour de cette expérience, n’est pas un témoignage militant, ni journalistique. C’est le témoignage d’un artiste, d’un auteur de bande dessinée qui pensait se frotter à la mort et rencontre finalement la vie. Son dessin évolue avec son idée de Tchernobyl, très noir au début, il prend des couleurs dans les dernières pages. C’est le printemps ici aussi même si la terre est et restera encore longtemps contaminée ! Un regard singulier mais aussi une réflexion. L‘album de 160 pages nous interroge sur la catastrophe et sur ses conséquences mais aussi sur la place d’un artiste comme Emmanuel dans un tel endroit et plus largement dans la société. Un album magnifique et utile pour nous et les générations à venir ! EGuillaud

Un printemps à Tchernobyl, d’Emmanuel Lepage. Editions Futuropolis. 24,50 euros

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L’info en +

Parallèlement à ce récit en bande dessinée, les éditions La Boîte à bulles publient un carnet de voyage réalisé par Emmanuel Lepage et le peintre Gildas Chasseboeuf intitulé Les fleurs de Tchernobyl (17 euros).