23 Nov

Immigrants, témoignages mis en récits par Christophe Dabitch. Editions Futuropolis. 18 euros.

Ils viennent du Laos, du Portugal, d’Iran, de Turquie, du Maroc, d’Uruguay, de Sierra Leone ou encore d’Angola. Leur point commun : être des immigrés… ou des immigrants comme l’écrit Christophe Dabitch en ouverture du livre, un terme qu’il juge moins saturé d’usages et de significations. Cet album collectif, réunissant 13 auteurs de bande dessinée, parmi lesquels Davodeau, Flao, Hureau, Gaultier… et 6 historiens donne la parole à ces hommes, ces femmes et ces enfants venus d’ailleurs à travers 11 récits courts, basés sur des témoignages recueillis par Christophe Dabitch. Ces récits nous racontent pourquoi ils ont quitté leur pays, ce qu’ils sont venus chercher en France, ce qu’ils y ont trouvé, parfois des conditions de vie terribles, la misère, le racisme, parfois une terre d’accueil et de paix inespérée. Porter un regard neuf sur le sujet était l’objectif de ce livre. Objectif atteint, Immigrants évite les stéréotypes et préjugés de toutes sortes pour s’intéresser à l’aspect humain de la chose, en considérant l’immigration comme quelque chose de normal, un élément à part entière dans l’histoire de notre pays. Une très belle initiative ! E.G.

Trois Largo Winch sinon rien…

A quatre semaines des fêtes de fin d’année et à trois mois de la sortie du très attendu second long métrage, le rouleau compresseur Largo Winch débarque dans les rayons de toutes les librairies de France et d’ailleurs. Et impossible de passer au travers, le héros de Philippe Francq et Jean Van Hamme est partout, non seulement à l’affiche d’une nouvelle aventure intitulée Mer noire mais également à la tête du huitième diptyque de la collection Gold et d’un magnifique artbook collector, des albums bien évidemment indispensables pour les amoureux de la bande dessinée en général, pour les inconditionnels de Largo en particulier. On voit tout ça dans le détail…
  

 Aucune surprise ou, plus précisément, aucune mauvaise surprise avec cette nouvelle aventure de notre milliardaire préféré. Mer noire présente le même cocktail que les précédents volets, un cocktail savoureux à base d’action et de glamour. Et cette fois Largo qui doit déjà se battre contre la crise financière afin d’éviter des licenciements dans son groupe, se retrouve mêlé à une sombre affaire de trafic d’armes et de terrorisme international. Inquiété par le FBI, il doit lui-même prendre les choses en main. Direction les ports de la Mer noire où il tentera de comprendre qui peut bien lui en vouloir de cette façon… Inutile de vous dire que le scénario, le graphisme, les dialogues, les premiers et seconds rôles, les couleurs, les décors… sont tout simplement dignes des plus grands films hollywoodiens… Si la perfection en bande dessinée existait, elle ressemblerait certainement à ça !
  

Et voici finalement le huitième et dernier volume de la fameuse collection Gold initiée en janvier 2010 pour fêter les 20 ans de la série. Au menu, une aventure initialement publiée en deux albums ici réunis, Les trois yeux des gardiens du Tao et La Voie et la vertu, deux albums qui nous emmènent en Orient où Largo va être confronté à une réalité immédiate et impressionnante : l’éveil économique de la Chine. Un Orient qui coure après la modernité tout en restant très attaché aux traditions ancestrales. Comme les volumes précédents, celui-ci comporte en supplément un cahier graphique qui nous invite aux sources de la création avec de nombreuses illustrations inédites (esquisses, études de personnages…) et extraits d’interviews.
  

Sous le titre Largo Winch, images en marge 1990 – 2010, Philippe Francq et Jean Van Hamme proposent aux lecteurs de découvrir vingt ans de travaux graphiques pour différents supports et médias, une sélection de dessins parfois inédits, souvent inconnus, depuis les incontournables ex-libris jusqu’aux dessins publicitaires, en passant par les cartes de vœux, les couvertures, les marque-pages, les sérigraphies, les illustrations pour des journaux ou des pochettes de disque…, Bref, un album collector somptueux qui permet d’admirer au plus près le graphisme élégant et racé de Philippe Francq. Et c’est bien entendu Jean Van Hamme qui signe la préface, préface dans laquelle le scénariste confie qu’ils sont tous deux des « perfectionnistes obsessionnels », recherchant sans arrêt l’efficacité « … indispensable pour que l’émotion et la compréhension que nous espérons offrir à notre lecteur atteignent leur but sans se perdre dans d’inutiles scories ». Un très bel album à commander sans plus attendre au Père Noël ! E.G.

  

Dans le détail :

Artbook Largo Winch, de Francq et Van Hamme. Editions Dupuis. 28 euros.

Largo Winch (Diptyque 8/8), de Francq et Van Hamme. Editions Dupuis. 22 euros.

Mer noire, Largo Winch (tome 17), de Francq et Van Hamme. Editions Dupuis. 11,50 euros.

18 Nov

Feux et Murmure, de Lorenzo Mattotti. Editions Casterman. 30 euros.

Docteur Jekyll & Mister Hyde, Caboto, Carnaval, L’Homme à la fenêtre, Stigmates… Lorenzo Mattotti fait partie du cercle très fermé des plus grands auteurs de bande dessinée de ce siècle. Il est responsable de nombreux albums de bande dessinée mais aussi de livres pour enfants et de recueils d’illustrations, une œuvre particulièrement riche, éclectique, foisonnante et innovante tant sur le plan graphique que narratif, une œuvre poétique aussi couronnée par de nombreux prix et traduite dans le monde entier ou presque. Dans cet ouvrage, publié chez Casterman, les lecteurs auront plaisir à découvrir ou redécouvrir deux récits, et non des moindres puisqu’il s’agit de Feux, considéré par la critique comme l’un des chefs d’œuvre du Neuvième art, et de Murmure. Ces récits, respectivement écrits en 1985 et 1989, ont pour point commun la couleur, utilisée comme élément narratif, une aventure insulaire et la rencontre avec des êtres étranges, invisibles et flamboyants pour le premier, joyeux et colorés pour le second. Un très bel album présenté sous jaquette, indispensable pour les inconditionnels, recommandé pour les autres ! E.G.

17 Nov

Le Mec du milieu, de Sophie Awaad. Editions Delcourt. 13,95 euros.

La séduction n’est pas une évidence, même pour une fille ! La preuve avec cet album paru dans la collection Shampooing des éditions Delcourt. Sophie Awaad, jeune femme de même pas trente ans y relate sa vie amoureuse. Ou plus exactement sa non-vie amoureuse car, pour elle, conquérir un garçon a longtemps été mission impossible. Et avant que ça le soit, c’était pire encore puisqu’elle refusait tout simplement l’idée d’être une fille. « Ca pleure tout le temps, ça joue à des trucs nuls, ça sait pas se défendre, ça met des robes et ça regarde Princesse Sarah », se disait-elle. A l’époque de la primaire, Sophie s’habillait, parlait et jouait comme un garçon. Avec le temps, son regard évolua quelque peu sur les filles et sur elle-même. Mais côté garçon… Rien. Nada. Même sur internet… Le néant total ! Et c’est ce néant qu’elle nous livre ici avec beaucoup d’humour bien sûr et une pointe de souffrance que ne manqueront pas de ressentir certaines lectrices au souvenir de quelques râteaux et amours cachés. Pour les hommes, Le Mec du milieu reste un album drôle et forcément instructif sur le fonctionnement de la gent féminine… Une auteure à découvrir ! E.G.

16 Nov

Bouncer (intégrale), de Boucq et Jodorowski. Editions Humanoïdes Associés. 69,90 euros.

Bien évidemment, 69,90 euros, autant dire 70 euros, représente une somme conséquente. Mais ce qui nous est proposé ici représente également une somme de travail pour ceux qui l’ont réalisé, une somme de plaisir pour ceux et celles qui vont le découvrir ou redécouvrir. Les éditions Humanoïdes Associés nous invitent donc à retrouver le Bouncer dans une somptueuse intégrale de 408 pages sous coffret réunissant les trois cycles et les sept volumes de la série. Et de se replonger sans attendre, avec une frénésie compréhensible, dans ce western qui, à l’époque, avait marqué les lecteurs par sa singularité tant graphique que scénaristique, annonçant l’émergence d’un nouveau western. Jerry Spring, Blueberry ou encore Comanche avaient enfin trouvé leur fils spirituel ! Mais qui est donc ce fameux Bouncer si ce n’est un personnage imaginé en 2001 par le dessinateur François Boucq et le scénariste d’origine chilienne Alexandro Jodorowski ? Pour ceux qui n’auraient peut-être jamais croisé son chemin, le Bouncer est un drôle de cow-boy, tour à tour bourreau insensible, justicier au grand cœur, petit truand, patron de saloon, un homme capable du pire comme du meilleur, capable d’être un tueur froid et solitaire comme un véritable héros soucieux de justice. Des scènes et des décors à couper le souffle, des personnages à fort caractère, un graphisme expressif, des dialogues sans concession, une action intense et violente comme le monde dans lequel se déroule ce récit… Bouncer est un petit chef d’œuvre, du western en particulier, du Neuvième art en général. 408 pages à dévorer d’un trait ! E.G.

10 Nov

Local, de Brian Wood et Ryan Kelly. Editions Delcourt. 27,50 euros.

Le point de départ de cette histoire est une séparation. Megan ne supporte plus son petit copain junkie qui l’envoie dans toutes les pharmacies de la région pour tenter d’arracher un peu de diamorphine, médicament contenant comme son nom l’indique de la morphine. Elle décide donc de le quitter et de partir loin. Très loin ! Direction Minneapolis, dans le Minnesota. Une première étape, simplement, car Megan va ainsi traverser l’Amérique du Nord de part en part. Richmond, en Virginie, Missoula dans le Montana, Brooklyn dans l’état de New York ou encore Norman dans l’Oklahoma, son périple comptera en tout douze étapes, autant d’aventures, de rencontres, de petits bonheurs, de déceptions aussi. Et au bout du chemin, une existence qui prend corps, une vie nouvelle qui s’offre à elle…

Réalisé par le scénariste Brian Wood (DMZ, Demo, Northlanders…) et le dessinateur Ryan Kelly (DMZ, The Vinyl underground, American virgin…), Local est ce qu’on appelle un road-trip, une aventure intérieure en même temps qu’une aventure au grand air. Une histoire captivante, une narration limpide, un graphisme efficace et une héroïne attachante, Local réunit tous les ingrédients nécessaires pour passer un bon moment ! E.G.

09 Nov

Tous des idiots sauf moi et autres considérations du même ordre, de Peter Bagge. Editions Delcourt. 17,50 euros.

Si vous aimez les bandes dessinées prolixes et acides, alors vous aimerez Tous des idiots sauf moi et autres considérations du même ordre. Le titre à lui seul annonce la couleur. La guerre, le sexe, l’art, le business, la politique, les Etats-Unis… Peter Bagge aborde tous les sujets avec la même verve, dressant un portrait au vitriol de son pays. Issu de la bande dessinée underground, Peter Bagge est publié dès 1981 dans la revue  Weirdo, dirigée par Robert Crumb. L’influence de ce dernier sur le travail de Peter Bagge est d’ailleurs incontestable. Puis il devient dans les années 90 le dessinateur de la jeunesse grunge de Seattle avant de se lancer dans le journalisme en BD, publiant ses billets dans le magazine Reason. Présenté comme un libéral, un anarchiste de droite, Peter Bagge est en tout cas un fin observateur de notre société. Les billets réunis dans cet album le prouvent !  E.G.

31 Oct

La propagande dans la BD, de Fredrik Strömberg. Editions Eyrolles. 29 euros.

La bande dessinée est un art ! Et comme tous les arts, celui-ci peut servir à autre chose qu’au simple divertissement. Ce livre, paru aux éditions Eyrolles, le prouve ! En 176 pages, il fait le tour – non exhaustif s’entend – des tentatives parfois réussies de conditionnement psychologique de nos chères petites têtes blondes et aussi parfois de certaines têtes poivre et sel. Un siècle de manipulation en images, annonce l’auteur suédois Fredrik Strömberg, un siècle et un territoire grand comme notre planète. De l’Amérique d’Obama à l’Irak de Saddam Hussein, de l’Allemagne hitlérienne à la Chine de Mao, tous les pays ont un jour ou l’autre eu recours à la bande dessinée pour glorifier ou damner des chefs d’état, des nations, des peuples, pour construire ou combattre des idéologies politiques, économiques, religieuses. Très dense, peut-être trop, La Propagande dans la BD réunit des exemples de bandes dessinées très explicites et étonnants sur des sujets aussi divers que la guerre froide, la révolution cubaine, la guerre en Irak, l’avortement, la religion, l’énergie nucléaire, l’impérialisme… Tintin est bien entendu présent dans le chapitre des stéréotypes raciaux avec la représentation caricaturée des Asiatiques dans Le Lotus bleu, des Noirs dans Tintin au Congo. E.G.

Le meilleur des Pieds Nickelés, de René Pellos. Editions Vents d’Ouest. 30 euros.

Enorme ! 12 histoires et plus de 550 pages rien que pour ce huitième volume du Meilleur des Pieds Nickelés. Il faut dire que ces personnages, créés en 1908 par Louis Forton et repris depuis 1948 par René Pellos, ont connu une longévité étonnante, nombre de papas dessinateurs et scénaristes, nombre de supports de diffusion, nombre de jeunes lecteurs aussi, heureux de retrouver à chaque fois ce trio infernal de petits arnaqueurs du dimanche et ce ton anarcho-rigolo-provocateur et anti-bourgeois. Adapté en dessin animé, en film de cinéma, en feuilleton radio, en opérette… Les aventures des Pieds Nickelés font tout simplement partie de notre patrimoine. Attention, Ribouldingue, Filochard et Croquignol sont de retour et ça risque bien de secouer fort ! E.G.

L’info en +

Le neuvième volume de cette somptueuse série paraîtra le 2 février prochain.

30 Oct

Entre les ombres, de Arnaud Boutle. Editions Glénat. 14 euros.

Des buildings éventrés et envahis par une végétation luxuriante, des rues désertes, des automobiles abandonnées, partout la même désolation, partout le même silence… Aucun doute, notre monde a vécu ! Plus une âme qui vive… enfin presque car au bord d’un étang, un homme pêche. Plus tard, il traversera la ville à la recherche de quelques produits de première nécessité, de quelques batteries aussi qu’il récupérera dans les voitures et lui permettront de s’éclairer encore un peu. Seul, affreusement seul, l’homme replonge dans son passé et fait ressurgir des souvenirs et des fantômes. Un voyage entre les ombres commence…

Auteur précédemment d’une adaptation en trois volets de Pinocchio chez Paquet, Arnaud Boutle signe ici un récit d’anticipation mettant en scène un monde post-apocalyptique. Jusqu’ici, rien de très original me direz-vous, sauf qu’Arnaud Boutle imagine pour son personnage, le dernier des humains, une survie sans réelle menace si ce n’est le poids du passé, des souvenirs et de la solitude… E.G.