Aïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous une sélection de BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin.
Un géant d’argile. Voilà ce à quoi Olli et Ulla ont donné naissance par un bel après-midi au bord de la rivière. Un géant d’argile pas franchement décidé à jouer les sculptures éphémères. Une petite nuit et hop, direction la ville la plus proche où notre bon gros géant va se faire remarquer en semant le chaos. Rien de très méchant mais des maladresses qui vont le rendre persona non grata jusqu’au moment où il trouve enfin à se rendre utile…
Avec ce premier livre traduit en français, l’Allemande Anke Kuhl revisite la légende du golem, créature humanoïde de la mythologie juive qui aurait inspiré nombre de personnages de l’imaginaire moderne tels que Frankenstein ou Superman. Un beau petit livre au graphisme séduisant pour les plus jeunes.
Eric Guillaud
Une vie de géant, de Anke Kuhl. Éditions Jungle! Kids. 9,95€
C’est une nouvelle qui devrait réjouir tous les amoureux de la culture hip hop, la saga de l’auteur américain Ed Piskor consacrée à la l’histoire de ce mouvement né dans le Bronx dans les années 1970 est enfin disponible en France…
Je ne suis pas un grand connaisseur du hip hop, pas vraiment un fan d’ailleurs, mais je suis toujours subjugué par la richesse de cette culture et sa proximité évidente avec la bande dessinée. Les deux univers se retrouvent dans cet ouvrage signé Ed Piskor, un auteur américain que certains d’entre vous ont peut-être découvert en France avec l’album Wizzywig paru chez Dargaud en 2013, album où il était question d’un hacker en série.
Changement de sujet avec Hip Hop Family Tree qui raconte ni plus ni moins l’épopée du hip hop, en commençant par le début, les soirées de Dj Kool Herc dans un South Bronx en ruine. Nous sommes au milieu des années 70, DJ Kool Herc invente la technique du « Merry-go-Round » (jouer avec deux disques identiques sur deux platines différentes) et le monde de la musique s’en trouve transformée.
Le rap est né. Et ses pionniers ont pour noms Grandmaster Flash, Grandwizard Theodore ou encore Afrika Bambaataa, le fondateur de la Zulu Nation, une organisation internationale quoi joua un rôle primordial dans la diffusion du hip hop à travers la planète en prônant la paix, la connaissance, la sagesse dans un New York confronté aux gangs.
Au fil des pages, Ed Piskor nous parle de cette culture hip hop naissante en Amérique et plus largement de la culture black et de la société américaine des années 70. On y croise beaucoup de stars du rap mais aussi du graff comme Fred Fab Five ou de la peinture comme Jean-Michel Basquiat, de la pop comme Deborah Harry (Blondie) ou encore du cinéma comme Malcom X.
Un livre très dense et passionnant à offrir avec un autre ouvrage portant lui-aussi sur la culture black, l’excellent Petit livre Black Music de Bourhis et Bruno chez Dargaud dont vous trouverez la chronique ici.
Eric Guillaud
Hip Hop Family Tree, de Ed Piskor. Editions Papa Guédé. 26€
La case, la casa, la maison, un espace restreint sur une planche de bande dessinée mais un terrain de jeu et d’aventure incroyable. Tout peut s’y produire, le monde entier peut la traverser, l’investir, en repartir. La preuve avec Victor Hussenot et cette bande dessinée publiée chez Warum?…
Dans cet album initialement paru en 2011, aujourd’hui réédité à l’occasion des 11 ans de la maison d’édition, les cases s’envolent, dégringolent, s’organisent, se désorganisent, apparaissent, disparaissent, s’animent, se meurent, se remplissent, se vident et donnent vie à des petites histoires qui flirtent avec l’humour, l’absurde. La case, cet espace limité par quatre traits, devient un personnage à part entière.
« Pour La Casa… », explique l’auteur dans une interview accordée à Du9.org et publiée dans les dernières pages du livre, « je voulais justement être libre, presque qu’il n’y ait pas d’histoire. Pourtant, il y a des personnages dessinés et imprimés sur du papier qui interagissent avec des cases, que font ils ? Cela m’intéressait de me dire qu’ils étaient là, dans la page, mais qu’aucune sorte de récit ne venait les emmerder. Je voulais voir ce qui se racontait tout seul, comme ça, en posant des personnages sur une planche blanche, comme si je leur disais : vas-y, débrouille-toi maintenant ».
En voyant ces pages, on pense tout de suite à Marc-Antoine Mathieu et notamment à sa série Julius Corentin Acquefaques qui n’a de cesse de revisiter, triturer, malaxer, renverser les codes narratifs. Et on a raison de penser à cet auteur même si Victor Hussenot développe un univers et une vison de la BD bien à lui. La Casa comme Julius Corentin Acquefaques explore les limites du médium bande dessinée. « L’OuBaPo m’a profondément touché, car j’ai vue dans les contraintes une manière de représenter visuellement des questions existentielles et temporelles avec la boucle (Morlaque) par exemple, un peu comme Escher que j’aimais beaucoup aussi ».
Cette réédition cartonnée offre de nouvelles pages couleurs ainsi qu’une longue interview de l’auteur. Pour ceux qui rêvent de faire exploser les cases !
Invité de l’émission Normandie Matin présenté par Laurent Quembre, Tébo évoque son dernier album La Jeunesse de Mickey mais aussi son enfance, ses différentes séries, ses adaptations en dessins animés pour la télévision, sa collaboration avec Zep…
Question! Que faites-vous si votre meilleur ami tombe en panne de voiture à plusieurs kilomètres de chez lui, en pleine nuit, et vous appelle à l’aide ?
Réponse 1. Vous le laissez déposer un message sur votre répondeur, que vous consulterez tranquillement le lendemain matin ? Réponse 2. Vous décrochez et l’envoyez promener ? Réponse 3. Vous sortez de votre lit d’un bond, d’un seul, et partez à son secours ?
Entre ces trois solutions, Raphaël hésite et, finalement, privilégie l’amitié au repos bien mérité. Un effort surhumain d’autant que son pote de toujours, Léo, est à plus d’une heure de route. Mais arrivé sur place, Raphaël se rend compte que le fameux copain n’est pas du tout en panne… Non, Léo a tout simplement voulu tester la solidité de leur amitié. « A 3 heures du mat’, ça m’amusait de voir qui viendrait, qui viendrait pas… », dit-il ! Et Raphaël n’est pas le seul à avoir fait les frais de cette plaisanterie…
Cette histoire singulière a été inspirée au scénariste Jim par une expérience personnelle quand, il y a quelques années à la sortie d’un restaurant, sa voiture est lâchement tombée en panne. Coup de fil à un bon copain qui se défile. Deuxième coup de fil à une vieille copine qui sort de son lit et vient le dépanner.
« L’idée m’est restée en tête plusieurs années… », confie Jim,«m’effleurant régulièrement : et si j’appelais des copains à deux heures du matin pour voir réellement qui viendrait, qui ne viendrait pas ? Difficile de ne pas être tenté par l’idée; j’imagine les têtes enfarinées, sortir le champagne, se vanner au clair de lune… Ça m’amuse d’avance. Et puis, la peur de la déconvenue peut-être, la peur d’emmerder les gens que j’aime bien surtout, il m’a semblé que finalement je tenais peut-être là un plus joli départ de fiction que de vraie vie… ».
Initialement publié en 2010, L’album est aujourd’hui rééditée à l’occasion de la sortie en salles du film de Michaël Cohen, L’Invitation, avec Nicolas Bedos dans le rôle principal.
Un roman graphique plein d’humour autour de l’amitié et de notre relation aux autres. Une très belle invitation… à la réflexion, traitée en partie comme une pièce de théâtre et superbement mise en images et en couleurs !
Eric Guillaud
L’Invitation, de Jim et Mermoux. Editions Glénat. 17,50 €
Le jury 2016 des Prix Rodolphe Töpffer a sélectionné pour le Prix Töpffer Genève Peggy Adam (Plus ou moins…L’Hiver), Sacha Goerg (Nu), Zep (Un Bruit étrange et beau), pour le Prix Töpffer international, Thomas Campi (Macaroni !), Emmanuel Guibert (Martha & Alan), Catherine Meurisse (La Légèreté)
C’est la vingtième année que la ville de Genève récompense avec le Prix Töpffer international la meilleure bande dessinée en français parue dans l’année, et avec le Prix Töpffer Genève le meilleur album réalisé en 2016 par un(e) Genevois(e).
En 2015, les lauréats étaient Killoffer pour l’album « Killoffer tel qu’en lui-même enfin », Alex Baladi pour « Autoportrait (13.11.13 – 14.11.14) », Maurane Mazars pour « Acouphènes »
La proclamation des lauréats aura lieu le 9 décembre.
Nous avions rencontré l’auteur nantais Marty Planchais au début du mois d’octobre pour un reportage web que vous pouvez retrouver ici et là, voici maintenant le reportage télé signé Olivier Quentin et Jean-Pierre Brénuchon…
« La République reconnaît la souffrance des nomades qui ont été internés ». Cette phrase ne date pas de l’après-guerre mais de 2016, du 29 octobre dernier pour être précis, une phrase extraite du discours de François Hollande sur le site même de l’ancien camp d’internement de Tsiganes de Montreuil-Bellay dans le Maine-et-loire. Il aura donc fallu 70 ans après la libération des derniers tsiganes internés pour que la France reconnaisse enfin leurs souffrances.
Le camp de Montreuil-Bellay n’était pas le seul, il y en avait une trentaine en tout, mais il était le plus grand de France. Plus de 6500 hommes, femmes et enfants y ont été internés « pour le seul motif d’avoir été identifiés comme tsiganes par les autorités allemandes et françaises », précise l’archiviste-historienne Marie-Christine Hubert dans un dossier complet accompagnant l’album.
« On est pas des étrangers, ch’uis français comme toi, plus que toit p’têt ! », lâche un Tsigane au policier venu l’arrêter. Dans cet album en noir et blanc, au trait charbonneux et expressif, Kkrist Mirror raconte le quotidien de ces Tsiganes, la faim, le froid, les humiliations, la mort parfois. Il raconte aussi avec cette grande connaissance qu’il a de ces populations leur obstination à préserver leur identité et leur dignité. Et conserver l’espoir ! L’espoirs d’une libération qui n’interviendra finalement pas en 1945, comme on aurait pu s’y attendre, mais en 1946, quasiment un an après la fin de la guerre. Sous l’occupation comme à la Libération, les Tsiganes étaient encore considérés comme un danger pour la défense nationale et la sécurité publique !
Et ces scènes incroyables que Kkrist Mirror met en images dans sons livre, des collaborateurs et des soldats de l’armée allemande internés aux côtés des Tsiganes à la fin de la guerre.
Préfacé par Serge Klarsfeld, l’album de Kkrist Mirror est non seulement « exemplaire » comme l’écrit l’avocat et président des fils et des filles des déportés juifs de France, mais il est essentiel pour la mémoire collective, pour ce passé qu’on aurait aimé ne jamais voir et qu’on doit aujourd’hui assumer.
Eric Guillaud
Tsiganes, une mémoire française 1940 -1946, de Kkrist Mirror. Éditions Steinkis. 17€
Il faut quand même être sacrément balèze pour s’attaquer à Mickey. C’est du lourd. Du très très lourd. Mais Tébo n’est pas du genre à avoir peur d’une légende. Peut-être un peu des araignées et des fourmis mais jamais des légendes. Ce beau et jeune Caennais – si si – est suffisamment musclé des doigts et du cerveau pour se jeter dans une aventure comme celle-ci et en revenir entier. A l’arrivée, même pas mal le Tébo et un bel album qui sent bon la postérité…
Un dos toilé bleu, un papier au grammage respectable, le Mickey de Tébo à des allures d’album à l’ancienne. Mais à l’intérieur, le ton est résolument moderne. Moderne dans le trait, moderne dans le texte et dans l’esprit. Une loufoquerie à la Tébo où l’on découvre un Mickey âgé, avec barbe blanche, rides sur le crâne et grosses lunettes sur le museau. Un Mickey retraité qui a la mémoire qui flanche et la vue qui baisse mais qui aime raconter à son arrière-petit-neveu, Norbert, ses aventures de jeune héros. Et de le découvrir dans l’Ouest sauvage à la recherche d’un trésor, prisonnier d’un chat psychopathe dans le Bayou, aviateur pendant la première guerre mondiale, astronaute et même trafiquant de chocolat pendant la prohibition.
Après Cosey, Keramidas, Trondheim, le papa de Captain Biceps, de Samson et Néon et de plein d’autres beaux albums nous offre un Mickey qui décoiffe, un Mickey bourré de légèreté, d’humour et d’aventure. Et ça fait du bien en ce moment !
Eric Guillaud
La jeunesse de Mickey, par Tébo. Editions Glénat. 17 €
Ils s’appellent Maël Keravec, Hermeline Janicot-Tixier, Charlotte Vermersch, Kevin Roversi ou encore Marine Derache. Ils sont tous auteurs de BD. Leurs noms de vous disent rien. Normal, ils sont encore étudiants…
Les plus vieux d’entre vous ont peut-être connu Les enfants du Nil, deux albums publiés aux éditions Delcourt au tout début des années 90 et réunissant les récits réalisés par les meilleurs élèves de l’école de BD d’Angoulême.
C’est un peu le même principe qui prévaut ici sauf qu’il s’agit des étudiants de l’Académie Brassart-Delcourt inaugurée en 2014.
Zep est le parrain de cette première promotion qui s’est inspirée de l’univers de Winsor McCay pour développer toute une série de courts récits.
Et si tous ces noms ne vous disent rien, un conseil, mettez les dans un coin de votre tête car certains ont déjà une forte personnalité artistique et pourraient bien percer dans les prochaines années. Pour mémoire, les noms des meilleurs étudiants de l’école de BD d’Angoulême au début des années 90 étaient aussi, pour la plupart, inconnus à l’époque. Depuis, Turf, Masbou, Ayroles, Mouclier, Mazan, Wendling, Gibelin, Oger… ont fait un sacré bout de chemin dans le monde du Neuvième art…
En ouverture, Frank Pé et Zep évoquent Winsor McCay, sa vie son oeuvre, dans une interview menée par Éric Dérian, coordinateur pédagogique à l’Académie.
Eric Guillaud
Little Nemo in bédéland, collectif. Editions Delcourt. 14,95 €