Un crossover (rencontre entre deux univers) comme les affectionnent particulièrement les comics qui permet non seulement de se faire croiser à nouveau deux des plus singulières héroïnes de DC Comics mais aussi d’aborder des sujets sociétaux d’actualité, notamment le patriarcat et les relations toxiques.
Cela fait bien longtemps que malgré leur étiquette ‘100% made in USA’ les comics – sous-entendu les histoires de super-héros – ne sont plus l’apanage des seuls artistes américains. Mais dans le cas de cette nouvelle collection de l’écurie DC Comics, initiée par son distributeur français et baptisée DC créations, c’est même carrément le pitch de départ. En gros, on remet les clefs du camion à des Européens et on les laisse s’amuser comme ils le veulent avec ce gros joujou, quitte à le redéfinir presque complètement.
Ici on retrouve un dessinateur espagnol et, cocorico, un scénariste français à la manœuvre, Miki Montlló et Sylvain Rundberg. Deux hommes donc mais pour une histoire très… Féministe, où les rares rôles tenus par des représentants du sexe dit ‘fort’ sont, soit anecdotiques (Batman et Robin pointent rapidement le bout de leur nez le temps de quatre pages), soit avant tout là pour illustrer une relation toxique (le Joker). Un choix artistique fort qui nécessitait deux fortes têtes d’affiche.
Or, on pourrait croire que la star ici avant tout est Wonder Woman, surtout que l’essentiel de l’action se passe sur son lieu de naissance, l’île de Themyscira peuplée par des Amazones et interdite, justement, aux hommes.
Mais c’est sur ces rivages qu’échoue Harley Quinn, l’ancienne psy du Joker devenue sa partenaire fantasque mais aujourd’hui brisée par des années d’abus. Comment ces deux-là vont créer un lien et permettre à la seconde de se reconstruire, voilà le véritable cœur de cette histoire. Moins, soyons honnêtes, les agissements de la sorcière Circé qui manigance ici pour prendre le contrôle de Themyscira. Toute bonne histoire de super-héros, ou en l’occurrence de super-héroïnes, a besoin d’une super-méchante, mais ici le tout apparaît plus comme une figure de style obligatoire qu’un véritable apport au récit.
Justement, tout l’intérêt de La Souffrance Et Le Don réside dans sa façon d’aborder des thématiques plus adultes, notamment celle de la maternité ou de la sororité, tout en dosant comme il se doit avec de l’action et des rebondissements pour garder le public en haleine. Surtout que le style graphique de Montlló, parfois proche de celui d’un manga, ancre le récit dans un style moderne et dynamique.
Une première tentative certes imparfaite mais pleine de promesses d’offrir un autre regard sur certains totems de l’écurie DC.
Olivier Badin
Wonder Woman & Harley Quinn, la souffrance et le don de . 20,50 €


