13 Août

Pages d’été. Love Machine ou l’amour en obsession, une BD de Jeanne Kiviger

C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

L’amour. L’amour avec un grand A. Celui qu’on ne rencontre pas au détour d’une rue, quoique, celui qui bouleverse, qui élève, qui consume, celui qui nous change à jamais et qui, parfois, nous fait perdre la tête. Exactement ce que Lola n’a jamais connu. Et pile-poil ce que promet Love Machine.

« Marre de dormir dans des draps froids et tristes ? Dites au revoir au célibat pour seulement 14,99€ par mois. Souscrivez à Love Machine Premium ».

Et coup de chance, Lola a été sélectionnée parmi les 20 000 célibataires les plus désespérés de France pour tester gratuitement le programme révolutionnaire de Love Machine. Une méthode en six étapes pour trouver l’amour : inscriptions sur des sites de rencontres, virées nocturnes, remises en question existentielles…

Lola trouvera-t-elle enfin l’amour ? Réponse dans les pages de ce premier album signé par la jeune et prometteuse autrice française Jeanne Kiviger. Fraîchement diplômée de l’école Auguste Renoir, elle s’impose d’emblée avec un univers très personnel : une palette graphique colorée et résolument moderne, une mise en page dynamique, un humour délicieusement décalé, une belle galerie de personnages et, en filigrane, un regard acéré sur notre société.

Eric Guillaud

Love machine, de Jeanne Kiviger. Sarbacane. 24€

© Sarbacane / Kiviger

29 Juil

Pages d’été. Jean-Luc Cornette et Renaud Garreta prennent de la hauteur avec Le dernier vol de Dan Cooper

C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

Un nouvel album de Dan Cooper ? Le fameux Dan Cooper d’Albert Weinberg apparu en 1954 dans les pages du magazine Tintin ? Pas vraiment ! Ce Dan Cooper-là n’est pas un pilote de chasse mais un pirate de l’air. Et le seul lien entre les deux est ce nom que le second a peut-être choisi comme pseudo après avoir lu une aventure du premier avant de passer à l’action. 

Et quelle action ! Nous sommes le 24 novembre 1971. Dan Cooper embarque à bord d’un Boeing reliant Portland à Seattle-Tacoma aux États-Unis. Dans son costume soigné, l’homme a tout de l’homme d’affaires mais dans sa mallette se cache une bombe artisanale.

Quelques minutes après le décollage, Dan Cooper menace de la faire exploser. Il exige 200 000 dollars en liquide, ainsi que des parachutes. Le FBI obtempère, pensant qu’il prendra les commandes de l’avion après avoir parachuté l’équipage. Mais c’est lui qui sautera finalement en parachute depuis une trappe-escalier située à l’arrière de l’avion.

De lui, comme de l’argent, on ne retrouvera jamais la moindre trace. Ce détournement d’avion devient alors un mythe, gravé dans l’imaginaire collectif. De multiples films, téléfilms, romans, émissions de radio, chansons y font référence ou en sont directement inspirés. Le domaine de la bande dessinée n’est pas en reste. Le Dernier vol de Dan Cooper retrace l’affaire en s’inspirant des faits réels mais en prenant quelques libertés et un parti pris : Dan Cooper aurait trouvé refuge au Mexique.

De l’action, beaucoup d’action, portée par un découpage percutant, résolument cinématographique, et un graphisme réaliste, à la fois dynamique et expressif, qui nous plonge littéralement au cœur du récit.

Eric Guilaud

Le Dernier vol de Dan Cooper, de Cornette et Garreta. Glénat. 18,50€

© Glénat / Cornette & Garreta

25 Juil

Pages d’été. Au-delà de Neptune, une odyssée aux confins de l’univers signée Gabriele Melegari

C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

Les forêts verdoyantes ne sont plus qu’un vague souvenir, l’air doit dorénavant être filtré, la mer est définitivement empoisonnée. Bref, la Terre n’est plus qu’une planète morte qu’il devient urgent de quitter. Mais pour aller où ?

C’est à cette question que Léla, astronaute à bord du télescope Ulysse, pourra peut-être répondre un jour. Nous sommes le 22 octobre 2283 quelque part dans l’immensité de l’espace, la jeune femme entame sa 784e journée de mission en dictant son rapport à l’ordinateur central.

« Rapport approuvé. Y a-t-il une information supplémentaire à ajouter ? – Oui, crétin d’ordinateur, vu d’ici, Neptune est vraiment magnifique – Communication refusée. Transmission du rapport ».

Un peu froid ce crétin d’ordinateur. Mais il n’est pas programmé pour faire dans l’empathie et la sensibilité. Même si la solitude commence à lui peser, et son amie à lui manquer, Léla n’oublie pas qu’elle était volontaire pour cette mission. Elle assume mais ça risque d’être un long, un très long voyage, seulement rythmé par ses rapports et ses sauts en immersion virtuelle…

Les éditions Steinkis inaugurent leur nouveau label Aux Confins avec cet album, le premier signé par l’Italien Gabriele Melegari. Au-delà de Neptune est un récit de science-fiction dans la veine de 2001, l’Odyssée de l’espace, né d’une photographie emblématique, celle du premier trou noir prise par le télescope Event Horizon et rendue publique en 2019.

Graphiquement, l’auteur a privilégié l’usage de la gouache, ce qui apporte une belle profondeur à ce voyage spatial et de splendides illustrations de l’univers. Un récit onirique, intimiste et poétique.

Eric Guillaud

Au-delà de Neptune, de Gabrielle Melegari. Steinkis (Aux Confins). 24€

© Steinkis – Aux Confins / Melegari

20 Juil

Pages d’été. Le retour de Raghnarok ou le dragon tout feu tout flamme de Boulet

C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

Un petit dragon vert écarlate au nez de cochon, juché sur un sanglier nommé Casse-Croûte. Il faut une bonne dose d’imagination pour inventer une scène pareille. Mais Gilles Roussel, alias Boulet, n’en a jamais manqué.

Auteur d’une cinquantaine de bandes dessinées et de livres d’illustrations, Boulet fait ses débuts dans le milieu avec Raghnarok, qui n’est autre que le nom de ce dragon haut en couleur. Le premier tome paraît en 2001, suivi de cinq autres jusqu’en 2009. La série commence avec des gags en une page, avant de s’aventurer vers des récits plus développés.

Depuis longtemps indisponibles, les six albums de Raghnarok sont aujourd’hui réédités dans une belle édition intégrale en trois volumes, augmentée d’un récit inédit, In Girum Imus Nocte.

L’occasion inespérée de retrouver notre adorable personnage et de replonger dans l’univers tendrement loufoque que Boulet a forgé pendant une décennie. 450 pages de bonheur, d’humour et d’action au pays des dragons, des fées, et monstres en tout genre avec, pour cette ultime aventure, une atmosphère un peu plus sombre. Au coeur de la forêt, un être maléfique enlève des enfants. Même pas peur, Raghnarok entend bien tout faire pour le démasquer. À croquer !

Eric Guillaud

Raghnarok, de Boulet. Glénat. (3 volumes disponibles) 19,50€ le volume

© Glénat / Boulet

19 Juil

Pages d’été. François Ravard fou de Bretagne

C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…


La Bretagne, ça vous gagne ? Elle a en tout cas conquis François Ravard. Normand de naissance, Dinardais d’adoption, l’homme est littéralement tombé amoureux de la région, de ses hommes, de ses plages, de ses terres, de sa pluie, de son soleil… et de son vent.

Bon vent !, justement, c’est le titre de son dernier ouvrage, un recueil d’une cinquantaine de dessins qui rendent hommage au littoral breton et aux drôles de personnages que l’on peut y croiser parfois. Comme cette joggeuse matinale accompagnée de son chien, ou cet homme qui tente de retrouver un peu de souplesse avant, comme on peut l’imaginer, d’aller se baigner ou jouer de l’épuisette, comme ce pêcheur endormi sur sa chaise, l’hameçon au sec, ces amoureux qui se bécotent sur les plages publiques ou encore ce consciencieux en chemise blanche, cravate noire, jouant du clavier sur une bouée gonflable.

Après Pas un jour sans soleil, dont on vous vantait déjà les mérites ici-même, François Ravard poursuit sa belle déclaration d’amour à la Bretagne. C’est drôle, frais, délicatement iodé, poétique à souhait, avec en filigrane un clin d’œil graphique à Sempé. À savourer sur le sable, en maillot de bain ou en ciré jaune.

Eric Guillaud

Bont vent!, de François Ravard. Glénat. 16,50€

© Glénat / Ravard

18 Juil

Pages d’été. American Parano, un polar kennedyesque signé Bourhis et Varela

C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

Juin 1968. L’Amérique est en pleine effervescence électorale, à la recherche de son prochain président. Le sénateur démocrate Bob Cavendish est le grand favori. Mais il porte aussi un lourd héritage : celui de son frère, ancien président, assassiné quelques mois plus tôt.

Un mort dans la famille, c’est beaucoup. C’est justement pour éviter un second drame que le lieutenant Kim Tyler a été mutée de San Francisco à New York, chargée de la sécurité du candidat. Mais sa présence n’y changera rien. Lors d’un meeting, sous ses yeux, Bob Cavendish est abattu d’une balle en pleine tête.

Comment une simple enquêtrice de terrain, spécialiste des homicides, s’est-elle retrouvée à jouer les gardes du corps d’un candidat à la présidence ? C’est la question à laquelle vont tenter de répondre deux agents du FBI, chargés de l’interroger. Entre les secrets inavouables de la puissante dynastie Cavendish et les manœuvres politiciennes qui gangrènent les plus hautes sphères du pouvoir américain, Kim Tyler révèle une nouvelle fois sa fragilité dans ce monde de brutes épaisses.

Après les cercles sataniques de San Francisco, la nouvelle enquête de Kim Tyler, écrite par Hervé Bourhis et dessinée par Lucas Varela, nous transporte dans le New York des années 60. Inspirée de la saga des Kennedy, cette intrigue explore les zones d’ombre de la politique et les dérives des ambitions familiales. Récompensé par le Prix BD Polar Expérience lors du dernier Festival international Quais du Polar à Lyon, American Parano s’impose comme un véritable polar. Chaque album proposera une enquête indépendante, située à une époque et dans un lieu différents, avec pour ambition de revisiter les grands mythes américains de la seconde moitié du XXe siècle.

Eric Guillaud

Manhattan trauma, American Parano (tome 3), de Bourhis et Varela. Dupuis. 16,50€

© Dupuis / Bourhis & Varela

15 Juil

Pages d’été. Retour sur la tragédie de la Fastnet 1979 avec Melchior et Garreta

C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

Une véritable tragédie ! Vingt voiliers coulés, quinze morts et cent trente-neuf personnes secourues. L’édition 1979 de ce qui est considéré comme l’une des plus belles courses à la voile mais aussi l’une des plus exigeantes, la Fastnet, a marqué le monde de la navigation à jamais.

Pourtant, tout s’annonçait pour le mieux. Trois cent trois voiliers au départ de l’Île de Wight le 11 août 1979, 2700 marins aguerris ou amateurs, des conditions météorologiques idéales, du vent, mais pas trop… Jusqu’à l’arrivée d’une dépression née dans les grandes plaines du nord des États-Unis et qui ne faiblira pas en traversant l’Atlantique. Le bulletin météo de la BBC du 12 août annonce un vent de force 6 en soirée et 8 dans la nuit, avant de se raviser et prédire un force 10, une tempête.

Plus le temps de se mettre à l’abri, la grande majorité de la flotte est déjà en train d’affronter les vents. La suite, on la connaît !

Dans cet album signé par le scénariste et marin Stéphane Melchior, et illustré par Renaud Garreta, dont on a déjà pu admirer le trait dans une trentaine d’ouvrages, et notamment plusieurs consacrés au monde de la voile, l’aventure prend le large avec maîtrise et passion. Un ouvrage hyper documenté et complété par un dossier sur l’histoire de la Fastnet Race.

Eric Guillaud

Fastnet 1979 – Un ouragan sur la course, de Melchior et Garreta. Delcourt. 22,50€

© Delcourt / Melchior & Garreta

Pages d’été : une nouvelle lune de miel sous tension signée Bastien Vivès

C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

Si vous avez aimé le premier tome de cette nouvelle série signée Bastien Vivès, nul doute que vous apprécierez également celui-ci. Comme dans le précédent, on retrouve Sophie et Quentin, nos deux protagonistes, embarqués pour un voyage en amoureux. Et comme dans le précédent, les enfants ont été confiés aux grands-parents, avec, cette fois un petit cadeau : la gastro.

« Ça s’fait pas de leur avoir laissé nos deux enfants malades », s’exclame Sophie. Mais ses scrupules vont rapidement s’estomper. Leur vol pour l’Amérique centrale est détourné en raison de conditions météorologiques désastreuses. Le couple n’a d’autre choix que de louer une voiture pour tenter de rejoindre sa destination mais nos deux tourtereaux se retrouvent perdus en pleine jungle et mêlés malgré eux à un conflit entre des orpailleurs et des flics ripous. De quoi transformer leur escapade romantique en un périple chaotique.

Après Le Baiser du sphinx, Le Secret de Coatlicue confirme l’orientation prise par cette série : de l’action, de l’action et encore de l’action avec un rythme soutenu et une bonne touche d’humour. Et toujours ce plaisir intact de retrouver la patte graphique de Vivès, reconnaissable entre mille…

Eric Guillaud

Le Secret de Coatlicue, Lune de Miel tome 2, de Vivès. Casterman. 14,95€

© Casterman / Vivès

12 Juil

Pages d’été. Notre sélection de BD à lire sous le soleil exactement

 

24 Juin

The Nice House by the Sea : la fin du monde selon James Tyrion IV et Álvaro Martinez Bueno

Et si la fin du monde n’était pas pour demain, mais pour hier ? Et si vous faisiez partie des rares survivants, condamnés à vivre pour l’éternité dans une maison isolée, entourés d’une poignée de personnalités aussi brillantes qu’énigmatiques ? Comment réagiriez-vous ? C’est ce postulat vertigineux que développent James Tynion IV et Álvaro Martínez Bueno dans cette suite très attendue du diptyque The Nice House on the Lake

Ils sont dix, acteur, historien, artiste, écrivain, scientifique ou encore médecin. Tous brillent par leur excellence dans leur domaine. Mais au-delà de leurs compétences, un autre point les unit : ils ont été sélectionnés puis réunis dans une somptueuse demeure au bord de la Méditerranée avec pour seule mission de survivre à la fin du monde.

Et ça fait deux ans déjà, deux ans qu’ils cohabitent plus ou moins facilement. Ça mérite un toast au monde d’autrefois.

« À ceux que nous avons perdus. Et aux êtres humains exceptionnels qui se tiennent devant moi »

Celui qui parle, c’est Max. L’homme qui les a sélectionnés en suivant un protocole strict. Tout l’opposé de Walter.

Walter, lui aussi, a rassemblé un groupe. Dans une autre maison, au bord d’un lac cette fois. Mais ses critères étaient d’un autre ordre : non pas l’excellence, mais l’affection. Il a sauvé des proches, des amis, des connaissances plus ou moins anciennes. Résultat : deux communautés radicalement différentes. Deux expériences humaines, ignorantes l’une de l’autre mais plus pour très longtemps. Car un seul groupe pourra survivre…

Salué aussi bien par le public que par la critique des deux côtés de l’Atlantique, le diptyque The Nice House on the Lake s’est imposé comme une œuvre incontournable, récompensée par deux Eisner Awards en 2022 (meilleure nouvelle série, meilleur scénariste) ainsi que par le Prix de la série au Festival d’Angoulême en 2024.

The Nice by the Sea en est la suite directe. Également conçu comme un diptyque, il reprend avec brio les ingrédients qui ont fait le succès de son prédécesseur : une tension psychologique constante, une atmosphère d’anticipation étouffante, et une touche d’horreur parfaitement maîtrisée.

Un petit chef-d’œuvre au scénario redoutable, à la narration ciselée, et à la mise en image saisissante, qui confirme l’exceptionnel talent de ses auteurs.

Eric Guillaud

The Nice House by the Sea, de James Tyrion IV et Álvaro Martinez Bueno. Urban Comics. 25€

© Tynion IV & Martinez Bueno

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